La Science et le Linceul



Sciences et Linceul - Arguments généraux


LE SUAIRE DE TURIN
Mais aucun miracle ne leur sera donné
si ce n'est celui de Jonas.

Mattieu 12,39-40

"Suaire" : Linge dans lequel on ensevelit un mort. Saint-Suaire : Linceul qui servit lors de l'ensevelissement du Christ. Ces défénitions se trouvent dans n'importe quel bon dictionnaire. Le Saint-Suaire conservé dans la cathédrale de Turin (d'où son nom) est certainement la plus célèbre des reliques du monde chrétien. Il est devenu à travers les siècles un objet de vénération pour plusieurs générations de chrétiens catholiques convaincus de son authenticité. il n'est d'ailleurs pas rare de nos jours encore de rencontrer dans certaines églises ou chapelles des icônes représentant le visage de l'homme du Suaire.
Cette pièce de lin longue d'environ 4 mètres 30 sur 1 mètre 10 possède il est vrai d'étranges propriétés. On peut y déceler l'image à peine visible d'un homme barbu qui semble avoir subi l'atroce supplice de la crucifixion, très prisée durant l'Antiquité par les Romains. Pour les catholiques (ou du moins une certaine partie d'entre-eux), cette image ne peut être que celle de Jésus-Christ, le Messie, le fils de Dieu. En examinant de plus près le Saint-Suaire, on remarque en effet certains détails qui rappellent immanquablement la mise à mort de Jésus vers l'an 33 de notre ère à Jérusalem : blessures à la tête provoquées par la couronne d'épines, coup de lance au flanc droit, trace de clous aux pieds et aux mains...
Toutes sortes de recherches furent effectuées sur ce morceau de tissu. Les nombreux partisans de son authenticité créérent même une nouvelle discipline scientifique pour l'étudier : la sindonologie (de l'italien sindone, linceul). Un spécialiste de cette spécialité (un sindonologue), jésuite de son état, calcula même qu'il n'y avait qu'une chance sur 225 milliards pour que le Suaire de Turin ne soit pas celui du Christ... (1)
Histoire du Saint-Suaire

La toute première apparition historiquement prouvée du Saint-Suaire a eu lieu dans le royaume de France au XIVième siècle et plus précisément en 1357 à Lirey près de Troyes. Sa première exposition publique y eut lieu à l'initiative d'une riche veuve, Jeanne de Vergny, appuyée par le clergé local. Très vite, ces expositions attirèrent des foules considérables venues admirer le "véritable linceul de Jésus". Ces méthodes déplurent grandement à l'évêque des lieux, Henri de Poitiers, qui fit interdire purement et simplement ces ostentions qu'il dénonça comme une supercherie. Pendant plusieurs dizaines d'années, le linceul sacré resta à l'abri des yeux des fidèles jusqu'au jour où le pape autorisa à nouveau qu'il soit exposé. Pourtant, le pape Clément VII ne semblait guère croire à l'authenticité de la relique. En 1390, il déclara même que "ce n'était pas le vrai linceul de Notre seigneur mais une peinture faite à la ressemblance du Seigneur".
Le journaliste Ian Wilson a tenté de démontré que le Suaire était connu depuis fort longtemps avant cette date. Il parle d'une image du Christ imprimée sur un tissu : le Mandylion, connu en Turquie dès le IVième siècle. L'auteur a tenté de prouver que le Mandylion et le Suaire était le même objet. Mais le Mandylion (dont on garde des reproductions) ne représente que le visage du Christ alors que l'image du Suaire est celle d'un corps entier. (2)
A partir des expositions de Lirney, il est facile de reconstituer grâce aux archives l'itinéraire du Suaire jusqu'à nos jours. il voyagera un peu partout en France (Paris, Nice,...). La relique fera même un bref séjour en belgique à Chimay en 1449. L'évêque de Liège le considéra d'ailleurs comme un faux. (3). Vers 1453, le suaire est cédé au duc de Savoie contre monnaie sonnante et trébuchante. En 1532, le linge fut fortement endommagé lors de l'incendie de la chapelle de Chambéry. La Maison de Savoie gardera le linceul jusqu'en 1983 où elle sera confiée à la garde de l'Eglise. Depuis le XVIième siècle, le Suaire est conservé dans la cathédrale de Turin.
Le Suaire de Turin et la Science
En mai 1898, à l'occasion du 50ième anniversaire du Royaume d'Italie, le Suaire fut exposé aux yeux de tous dans la cathédrale San Giovanni à Turin. le Suaire fut photographié par un avocat, Seconda Pia. Le négatif photographique obtenu révélera de manière beaucoup plus nette l'image de l'homme du Suaire. La Science va dès lors prendre la relève de la foi dans la recherche de la vérité.
Deux ans après cette ostentation restée célèbre, un religieux, le chanoine Ulysse Chevalier, écrivit un livre très critique sur l'authenticité du Suaire (4). Un chrétien donc niait que le Suaire fut le véritable linceul du Christ. Il ne sera pas le seul.
Au XXième siècle, toutes sortes de travaux scientifiques plus ou moins sérieux furent consacrés au Suaire. On tenta d'expliquer la formation de l'image par divers procédés plus discutables les uns que les autres : phénomène électrique, action de rayons X, excès de vapeur,... En 1950, un médecin, le docteur Barbier, publia un livre fort intéressant : La Passion de Jésus-Christ selon le chirurgien.Il arriva à la conclusion que les blessures constatées sur l'image de l'homme du Suaire étaient identiques à celles subies par le Christ selon les Evangiles. Troublant. La même année se tint à Rome le premier congrès international de sindonologie.
En 1973, des tissus furent prélevés sur les zones de du linceul qui semblaient être tâchés de sang. Les chercheurs étaient membres du STURP (Shround of Turin Research Project-Projet de recherche sur le Suaire de Turin). Leurs analyses ne furent guèrent concluantes mais ils pensèrent avoir trouver des traces de sang humain sur le linceul.
Les années 70 furent dès plus agitée. Tout d'abord, deux chercheurs indépendants (et qui ne travaillaient pas pour la NASA comme on l'a trop vite dit) obtinrent par ordinateur une spectaculaire reconstitution en trois dimensions du visage de l'homme du Suaire. ils développèrent alors une audacieuse théorie qui frappa beaucoup les imaginations : l'image de Jésus aurait été imprimée sur le lin lors de la résurrection. Un flash d'origine surnaturelle (radioactive?) aurait marqué le tissu. Certains se souvinrent alors que lors de l'épisode biblique de la Transfiguration où Jésus fut entouré d'une éblouissante lumière blanche. Etait-ce le même phénomène qui eut lieu lors de la résurrection? D'autres chercheurs firent alors le lien avec l'effet Kirlian, un pseudo-procédé de photographie du corps énergétique de l'homme inventé par un scientifique russe. Le mariage entre parapsychologie et Suaire de Turin devenait officiel...
Mais la découverte la plus importante fut effectuée par le criminologue suisse Max Fréi qui avait effectué des prélévements sur le linge. Il y découvrit, selon ses dires, des traces de pollens provenant de Turquie, d'Italie, de France et de Palestine. La découverte de Monsieur Fréi fut brandie comme une preuve irréfutable de l'authenticité du Suaire. Cependant, il semblerait que Max Fréi ne possédait pas le matériel nécessaire ni les compétences adéquates pour arriver à ces conclusions. Des botanistes reprirent ses expériences et n'arrivèrent pas aux mêmes résultats. (5) C'est d'ailleurs le même Max Fréi qui se présentait comme expert en graphologie qui se porta garant des fameux carnets d'Hitler dont on sait aujourd'hui avec certitude qu'ils étaient faux.
En 1978, une trentaine de membres du STURP arrivèrent à Turin avec pluiseurs tonnes de matériel. Pendant plusieurs jours, avec l'accord de l'évêque de Turin, ils passèrent le précieux linge au crible et furent autorisés à prélever des échantillons pour analyses. La plupart des chercheurs conclurent à l'authenticité du Suaire. Un seul arriva à des conclusions contraires. Walter Mc Crone, micro-analyste spécialisé dans la détection de fausses oeuvres d'art déclara sans doute un peu à contre-coeur que "l'image entière était l'oeuvre d'un artiste". Le STURP refusa de publier les recherches de Mc Crone qui fut prié poliment de quitter l'organisation (6).
Le STURP organisà dès 1979 une impressionnante série de conférences de presse dont le but était de faire connaître leurs conclusions positives. Un livre événement sera également publié deux ans plus tard (7). L'un de ses auteurs se présentait comme le porte-parole officiel du STURP. Or, cet organisme n'avait d'aucune façon autorisé et approuvé cette publication. Les auteurs du livre furent même poursuivis en Justice par le STURP. Ambiance, ambiance...
La datation au carbone 14
La méthode de datation d'objets archéologiques la plus couramment utilisées par les spécialistes est celle dite du carbone 14. le principe de cette méthode s'appuie sur le fait que chaque matière organique contient une certaine quantité de carbone radioactif, le carbone 14. Quand la matière organique (animal, plante,...) cesse de vivre, sa teneur en carbone 14 décroît progressivement avec le temps. On peut alors dater les objets avec une précision assez grande.
On songeait depuis longtemps à effectuer sur le Suaire cette analyse capitale. L'Eglise la refusa toujours de manière compréhensible car il aurait fallu un morceau trop important de la relique (environ 400 cm²). De nouvelles techniques ont cependant permis de n'utiliser qu'un seul fil de quelques centimètres. En 1988, trois laboratoires neutres furent désignés pour effectuer ces analyses : l'Université d'Oxford, l'Institut Polytechnique de Zurich et l'Université d'Arizona à Tucson (Etats-Unis). Des échantillons de lin furent prélevés sur le Suaire. Ils furent purifiés et soumis au test du carbone 14. Les trois laboratoires rendirent un verdict identique : le linceul fut fabriqué entre 1260 et 1390. Le doute n'était plus possible : le Saint-Suaire était un faux fabriqué au Moyen-Age. Il n'avait donc jamais pu servir à conserver le corps de Jésus. Les résultats furent rendus publics par l'archévêque de Turin qui s'inclina devant le verdict sans appel de la Science. Un des plus chauds partisans de 'authenticité du Suaire, Jacques Evin, directeur du laboratoire de radiocarbone de l'Université de Lyon et membre de l'association pro-suaire Montre-nous ton Visage, fut on ne peut plus formel : "On ne peut pas discuter la datation au carbone 14, le Suaire est un faux".
On croyait dès lors que le débat sur le Suaire de Turin était définitivement clos. C'était mal connaître la pugnacité de certains sindonologues qui ne s'avouèrent pas si facilement vaincus. deux chercheurs italiens avancèrent l'hypotèse audacieuse que la chaleur à laquelle fut exposé le Suaire durant l'incendie de 1532 aurait pu modifier considérablement la teneur en carbone 14 du lin. Le problème est que ces deux chercheurs n'essayèrent même pas d'étayer leur théorie par des expériences scientifiques rigoureuses. (8)D'autres chercheur remettront en cause l'infaillibilité même de la méthode du carbone 14. il est vrai que cette méthode n'est pas fiable à 100% mais sa marge d'erreur ne peut pas dépasser quelques dizaines d'années sur une période aussi courte (mille ou deux mille ans). Une erreur de plus de 1200 ans semblenttout à fait impossible surtout que les tests ont été réalisés par trois laboratoires différents. Le débat était brièvement relancé mais le coup fut dur pour le STURP qui attendait monts et merveilles de la datation au carbone 14. Le STURP se fit alors beaucoup plus discret. mais d'autres prirent la relève de manière plus énergique. On laissa entendre ici et là que les expertises au carbone 14 aurait été truquées de manière délibérées et certaines personnes évoquèrent même un complot judéo-maçonnique destiné à destabiliser le catholicisme.
A la tête de de ce nouveau mouvement "suairiste" se trouve un organisme basé à Paris, le CIELT (Centre international d'Etude sur le Linceul de Turin), proche de certains milieux traditionalistes catholiques. Le but de cet organisme est très clair : faire connaître le linceul au public et prouver son authenticité. Ses membres encouragent dès lors toutes les recherches sur le Suaire, organisent des conférences de presse et des expositions (comme j'ai pu le constater dans une célèbre abbaye provencale durant l'été 2001), publient des livres (9). Le CIELT est même parvenu à retourner l'opinion publique en intoxiquant des journaux sérieux (Le Soir, Le Figaro,...) et même des revues prestigieuses (Science et Avenir, Historia,...).
Le Suaire de Turin est-il le véritable linceul du Christ?
Devant le Saint-Suaire, on ne peut qu'adopter deux positions : ou bien le Suaire est l'oeuvre d'un artiste génial du Moyen Age ou bien il s'agit de l'empreinte miraculeuse d'un homme crucifié qui ne peut être que Jésus-Christ. Ces deux positions sont évidemment complètement antagonistes et il ne semble pas avoir de voie médiane. Il semble cependant difficile à croire malgré les recherches du STURP et du CIELT que cette relique soit authentique. C'est une possibilité troublante mais les recherches historiques, archéologiques, bibliques et chimico-physiques semblent, pour l'instant, démontrer que le Suaire est une oeuvre d'art du Moyen Age. Voici pourquoi :
1. Les Evangiles (pas plus que les Actes des Apôtres) ne mentionnent l'existence d'un linceul sur lequel aurait été imprimé l'empreinte du Christ.
2. Il n'existe absolument aucune trace écrite valable prouvant l'existence du Suaire avant le XIVième siècle.
3. Aucun pape, aucun évêque, aucun haut dignitaire de l'Eglise n'a jamais fait mention du Suaire avant cette date.
4. Devant cette évidence, les sindonologues ont lancé "l'hypothèse iconographique". Ils ont recherché depuis le début de l'ère chrétienne les diverses représentations du Christ (icônes, peintures,...). Ils ont remarqué que certaines de ces représentations ressemblaient au Suaire, preuve que les artistes auraient copié l'image du Suaire. Mais il était commun de représenter le Christ de la même façon : barbu et majestueux. Qui donc était le premier : l'oeuf ou la poule?
5. Le visage de l'homme du Suaire n'est pas du tout sémitique. C'est un icône de type slavo-byzantine marqué.
6. Les sindonologues affirment encore que l'impression de l'image sur le lin ne peut être l'oeuvre d'un humain. Or, des chercheurs sceptiques tels le physicien Henri Broch (10) sont parvenus à reproduire des Saint-Suaires en utilisant une technique de frottement sur bas-relief. D'ailleurs, on a retrouvé des traces d'oxyde de fer et de pigments sur le Suaire de Turin.
7. Les datations au carbone 14 sont inattaquables. Prétendre le contraire est faire preuve d'une grande mauvaise foi.
8. Les recherches scientifiques des sindonologues sur le Suaire (analyse de pollens, de sang, traces écrites sur le Suaire,...) ne sont pas crédibles car trop orientées dès le départ par des à-prioris favorables à l'authenticité.
9. Le Vatican, pourtant toujours prompt à reconnaître certains miracles tels les apparitions de la Vierge à Fatima ou à Lourdes, n'a jamais reconnu le Saint-Suaire comme le véritable linceul de Jésus. Un tel silence est éloquent.

Ceux qui désireraient obtenir plus d'informations critiques sur le Suaire peuvent toujours consulter le seul livre critique récent en français sur le Suaire de Turin. (11)
Ces arguments feront certainement bondir les partisans du Suaire. Mais qui donc ces saintsThomas de la sindonologie? Les chrétiens (et je suis de ceux-là, étonnez-vous!) n'ont absolument pas besoin de preuves et de Suaire de Turin pour avoir la foi. L'intérêt que l'on peut lui porter est légitime mais il finit par ressembler à une détestable forme de superstition.
Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu!


(1) Carnac Pierre : Le Suaire de Turin, Alain Lefeuvre, Nice, 1979
(2) Wilson Iann, le Suaire de Turin, Albin Michel, Paris 1978
(3) Nouvelles Brèves, numéro 62, décembre 1996
(4) Chevalier Ulysse, Etude critique sur l'origine du Saint-Suaire de Lireu-Chambéry-Turin, Paris, 1900
(5) Science et Vie, n°886, juillet 1991
(6) Science et Vie, n°783, décembre 1982
(7) Stevensson Ken et Habermas Gary, La Vérité sur le Suaire de Turin, Fayard, Paris, 1981
(8) Petrosillo et Marinelli, Le SuaireUne énigme à l'épreuve de la Science, Fayard, Paris, 1991
(9) Raffard de Brienne Daniel, Enquête sur le Saint-Suaire, Editions Claire-Vigne, Paris, 1996
(10) Broch Henri, Le paranormal, Seuil, Paris 1985
(11) Blanrue Paul-Eric, Miracle ou Imposture? L'Histoire interdite du Suaire de Turin, Golias-EPO, 1999


Sciences et Linceul - Etude anthropométrique

http://gira.cadouarn.pagesperso-orange.fr/france/table_matieres.htm
ETUDE ANTHROPOMETRIQUE

MEMBRES SUPERIEURS:




Nous possédons 5 sources de dimensions :
  • La main droite aplatie sur laquelle nous distinguons nettement les doigts et pouvons calculer leur longueur
  • La main droite dont on peut mesurer la largeur
  • La main gauche, sur laquelle apparaît l'articulation métacarpo-phalangienne
  • La main gauche dont on peut mesurer la largeur
  • Le poignet gauche sur lequel apparaît une plaie ronde de 8 à 12 mm de diamètre.
                    L'exploitation de ces différentes longueurs en comparaison des données issues des mesures prises sur des patients a permis de calculer les longueurs suivantes :
  • Main (articulation radio-carpienne - extrémité du majeur) : 21,9 cm
  • Avant-bras (olécrane - articulation radio-carpienne) : 32,4 cm
  • Bras (acromion - interligne huméro-radiale) : 38,7 cm
  • Membre supérieur (acromion - extrémité du majeur) : 90,7 cm
Il s'agit là de données brutes issues du tableur (d'où les décimales… qui n'ont aucune valeur autre que mathématique, le centimètre reste un ordre de grandeur satisfaisant).
                    Sur le Suaire, ces différents segments sont orientés selon les 3 dimensions et la projection orthorhombique de l'image sur le plan du Linceul en fait apparaître certains comme plus courts qu'ils ne sont en réalité. Ce concept est celui qu'on applique à l'idée des distances au sol dans les montagnes, où tout ce dont on dispose est une carte montrant une image sur un plan en deux dimensions. Pour calculer la longueur réelle des pentes il nous faut nous servir de la trigonométrie. Dans une certaine mesure, c'est la même chose avec le Linceul, mais en pratique, c'est infiniment plus compliqué parce que, même si le Linceul est un plan en deux dimensions quand il est posé sur une table, en revanche, lorsque l'image a été "gravée" dessus, il devait épouser les formes du corps. Il faut donc faire toutes sortes de calculs supplémentaires...). Partons des estimations suivantes, calculées à partir du plan du Suaire :
  • Hauteur du pubis : 23 cm
  • Epaisseur du poignet : 5 cm
  • Epaisseur du pouce dans la paume : 2 cm
  • Hauteur de l'axe de l’articulation scapulo-humérale : 7 cm
                    Sur le Suaire, les deux coudes ne semblent pas situés à la même distance des épaules, le gauche paraissant nettement plus haut ; on a tenté de justifier cette anomalie par des luxations, déboîtements, étirements ou autres pathologies contre lesquels Barbet s'était élevé en raison d’impossibilités médicales évidentes. Cette anomalie apparente  vient de ce que le coude gauche n’est pas situé dans le même plan que le coude droit, mais plus haut (par rapport au plan du Suaire), ce qui provoque des différences apparentes de longueurs de segments entre les deux membres supérieurs.
                    Ainsi, en partant des estimations suivantes calculées par rapport au plan du Suaire :
  • Hauteur de l’axe du coude gauche : 27 cm
  • Hauteur de l’axe du poignet gauche : 34,5 cm
  • Hauteur de l’axe du coude droit : 14 cm
  • Hauteur de l’axe du poignet droit : 27,5 cm
                    Les longueurs apparentes des segments de membres deviennent :
  • Longueur apparente du bras gauche : 33,2 cm
  • Longueur apparente de l'avant-bras gauche : 31,4 cm
  • Longueur apparente du bras droit : 38,1 cm
  • Longueur apparente de l'avant-bras droit : 30,3 cm
                    En reportant ces différentes longueurs sur la face antérieure du Suaire, on obtient la représentation ci-jointe ; on s’aperçoit que ces dimensions coïncident avec les parties visibles de l’image du Suaire.




Pour les hauteurs des poignets, il s'agit d'une estimation basée sur les éléments suivants :
  • L'avant-bras droit est posé en oblique ascendante sur l'abdomen ; l'axe du poignet droit se trouvera donc à 23 cm (hauteur de l'abdomen) + 2 cm (dus à l'inclinaison de l'avant-bras) + 2,5 cm (demi-épaisseur du poignet droit).
  • La main gauche repose sur le poignet droit avec le pouce rétracté à l'intérieur de la paume (voir plus loin). La hauteur de l’axe de la main gauche est donc de 23 cm + 2 cm + 5 cm (épaisseur du poignet droit) + 2 cm (épaisseur du pouce gauche) + 2,5 cm (demi-épaisseur du poignet gauche), soit 34,5 cm
                    La détermination de la hauteur des coudes a été déterminée par tâtonnements.
                    Il semble évident que le pouce gauche est situé entre la paume gauche et le poignet droit pour au moins 3 raisons :
  • il aurait été difficile de l'écarter suffisamment pour glisser le poignet droit, compte tenu de la raideur des muscles
  • cela aurait provoqué une abduction de la base du premier métacarpien qui serait devenu visible sur le Suaire ; or on ne la voit pas.
  • on distingue très bien l'empreinte de la face dorsale de la main droite le long du bord cubital de la main gauche, mais il n'y a aucune empreinte visible de l'extrémité inférieure de l'avant-bras droit ; si nous nous en tenons à ce que nous savons de la tridimensionnalité de l'image, cela revient à dire qu'il y a davantage d'espace entre le 2° métacarpien gauche et l'avant-bras droit qu'entre le 5° métacarpien gauche et la face dorsale de la main droite. Cette différence de hauteur est due au pouce.
                    On peut déduire de cela que la crucifixion s'est faite dans les deux espaces de Destot (car il s'agit bien de l'emplacement exact de l'espace de Destot, dans le prolongement du 3° espace interdigital, à une distance de l'extrémité du majeur égale à 93% de la longueur de la
MEMBRES INFERIEURS




Nous possédons 5 sources de dimensions :
  • La main droite aplatie sur laquelle nous distinguons nettement les doigts et pouvons calculer leur longueur
  • La main droite dont on peut mesurer la largeur
  • La main gauche, sur laquelle apparaît l'articulation métacarpo-phalangienne
  • La main gauche dont on peut mesurer la largeur
  • Le poignet gauche sur lequel apparaît une plaie ronde de 8 à 12 mm de diamètre.
                    L'exploitation de ces différentes longueurs en comparaison des données issues des mesures prises sur des patients a permis de calculer les longueurs suivantes :
  • Main (articulation radio-carpienne - extrémité du majeur) : 21,9 cm
  • Avant-bras (olécrane - articulation radio-carpienne) : 32,4 cm
  • Bras (acromion - interligne huméro-radiale) : 38,7 cm
  • Membre supérieur (acromion - extrémité du majeur) : 90,7 cm
Il s'agit là de données brutes issues du tableur (d'où les décimales… qui n'ont aucune valeur autre que mathématique, le centimètre reste un ordre de grandeur satisfaisant).
                    Sur le Suaire, ces différents segments sont orientés selon les 3 dimensions et la projection orthorhombique de l'image sur le plan du Linceul en fait apparaître certains comme plus courts qu'ils ne sont en réalité. Ce concept est celui qu'on applique à l'idée des distances au sol dans les montagnes, où tout ce dont on dispose est une carte montrant une image sur un plan en deux dimensions. Pour calculer la longueur réelle des pentes il nous faut nous servir de la trigonométrie. Dans une certaine mesure, c'est la même chose avec le Linceul, mais en pratique, c'est infiniment plus compliqué parce que, même si le Linceul est un plan en deux dimensions quand il est posé sur une table, en revanche, lorsque l'image a été "gravée" dessus, il devait épouser les formes du corps. Il faut donc faire toutes sortes de calculs supplémentaires...). Partons des estimations suivantes, calculées à partir du plan du Suaire :
  • Hauteur du pubis : 23 cm
  • Epaisseur du poignet : 5 cm
  • Epaisseur du pouce dans la paume : 2 cm
  • Hauteur de l'axe de l’articulation scapulo-humérale : 7 cm
                    Sur le Suaire, les deux coudes ne semblent pas situés à la même distance des épaules, le gauche paraissant nettement plus haut ; on a tenté de justifier cette anomalie par des luxations, déboîtements, étirements ou autres pathologies contre lesquels Barbet s'était élevé en raison d’impossibilités médicales évidentes. Cette anomalie apparente  vient de ce que le coude gauche n’est pas situé dans le même plan que le coude droit, mais plus haut (par rapport au plan du Suaire), ce qui provoque des différences apparentes de longueurs de segments entre les deux membres supérieurs.
                    Ainsi, en partant des estimations suivantes calculées par rapport au plan du Suaire :
  • Hauteur de l’axe du coude gauche : 27 cm
  • Hauteur de l’axe du poignet gauche : 34,5 cm
  • Hauteur de l’axe du coude droit : 14 cm
  • Hauteur de l’axe du poignet droit : 27,5 cm
                    Les longueurs apparentes des segments de membres deviennent :
  • Longueur apparente du bras gauche : 33,2 cm
  • Longueur apparente de l'avant-bras gauche : 31,4 cm
  • Longueur apparente du bras droit : 38,1 cm
  • Longueur apparente de l'avant-bras droit : 30,3 cm
                    En reportant ces différentes longueurs sur la face antérieure du Suaire, on obtient la représentation ci-jointe ; on s’aperçoit que ces dimensions coïncident avec les parties visibles de l’image du Suaire.




Pour les hauteurs des poignets, il s'agit d'une estimation basée sur les éléments suivants :
  • L'avant-bras droit est posé en oblique ascendante sur l'abdomen ; l'axe du poignet droit se trouvera donc à 23 cm (hauteur de l'abdomen) + 2 cm (dus à l'inclinaison de l'avant-bras) + 2,5 cm (demi-épaisseur du poignet droit).
  • La main gauche repose sur le poignet droit avec le pouce rétracté à l'intérieur de la paume (voir plus loin). La hauteur de l’axe de la main gauche est donc de 23 cm + 2 cm + 5 cm (épaisseur du poignet droit) + 2 cm (épaisseur du pouce gauche) + 2,5 cm (demi-épaisseur du poignet gauche), soit 34,5 cm
                    La détermination de la hauteur des coudes a été déterminée par tâtonnements.
                    Il semble évident que le pouce gauche est situé entre la paume gauche et le poignet droit pour au moins 3 raisons :
  • il aurait été difficile de l'écarter suffisamment pour glisser le poignet droit, compte tenu de la raideur des muscles
  • cela aurait provoqué une abduction de la base du premier métacarpien qui serait devenu visible sur le Suaire ; or on ne la voit pas.
  • on distingue très bien l'empreinte de la face dorsale de la main droite le long du bord cubital de la main gauche, mais il n'y a aucune empreinte visible de l'extrémité inférieure de l'avant-bras droit ; si nous nous en tenons à ce que nous savons de la tridimensionnalité de l'image, cela revient à dire qu'il y a davantage d'espace entre le 2° métacarpien gauche et l'avant-bras droit qu'entre le 5° métacarpien gauche et la face dorsale de la main droite. Cette différence de hauteur est due au pouce.
                    On peut déduire de cela que la crucifixion s'est faite dans les deux espaces de Destot (car il s'agit bien de l'emplacement exact de l'espace de Destot, dans le prolongement du 3° espace interdigital, à une distance de l'extrémité du majeur égale à 93% de la longueur de la
PIEDS :

Contraintes préalables à respecter
               La surface des deux empreintes doit être sensiblement la même, sachant que le pied droit est posé presque à plat et que le gauche est peut-être incliné ; mais, sur une si petite longueur et pour des angles faibles, la différence ne sera pas significative.
corps postérieur.jpg (10779 octets)
corps antérieur.jpg (10257 octets)
en vue postérieure
               L'image de la jambe gauche, est plus atténuée que la droite, le creux poplité est plus marqué, les marques de flagellation descendent un peu moins bas, toutefois, elles sont visibles sur le mollet, ce qui implique un contact direct entre le mollet et le Suaire.
              La fesse gauche est un peu plus haut située que la droite (1,4 cm environ).
En vue antérieure
               Les images de la jambe et de la cuisse gauches sont plus marquées que celles de la droite
               La rotule gauche est plus haut située par rapport aux fesses que la droite d'environ 2,5 cm.
               Il faut en conclure que la cuisse gauche est plus fléchie sur le bassin que la droite et que la jambe gauche est légèrement plus fléchie sur la cuisse que la droite. Logiquement, le talon gauche devrait donc être un peu plus rapproché des fesses que le droit.
               Il n'existe à l'évidence qu'une seule plaie dans la plante du pied droit ; donc, ou bien les deux pieds ont été cloués au moyen d'un seul clou, ou bien le clou qui a fixé le pied gauche ne traversait pas le pied droit.
photo plantes pieds.jpg (21156 octets)Pieds post + décalque Barbet.jpg (52057 octets)

Examen des empreintes visibles sur la face postérieure du Suaire
Pied droit
               L'empreinte est complète, elle est composée à la fois de décalque de caillots de sang (plaie du talon, plaie du milieu de la plante, caillot qui réunit ces deux plaies), d'écoulements sanguins non coagulés (à l'extérieur du talon) et d'image du pied lui même.
               On distingue parfaitement la plante avec 2 taches rouges, l'une à l'endroit du talon, probablement causée par la marche pieds nus sur un sol rocailleux, l'autre un peu plus bas que le milieu de la plante, centrée en largeur ; par rapport à la longueur du pied, cette tache correspond à l'espace de Mérat, mais cet espace est normalement situé plus sur le bord interne du pied.
               On distingue nettement les 4 premiers orteils, plus difficilement le 5°, ainsi que la base du 5° métatarsien avec son décrochement caractéristique. Le bord externe du pied est plus marqué que le bord interne, ce qui permet de conclure que le pied était posé en légère supination ; la pente naturelle de la plante du pied vers l'extérieur était ainsi majorée, ce qui explique que le sang qui sourdait du point de sortie de l'espace de Mérat (situé dans le creux de la plante et ne touchant donc pas le Suaire) ait glissé un peu vers le bord externe avant de goutter sur le Suaire, provoquant le décalage constaté.
               Il est possible de calculer précisément la longueur de cette empreinte : du bord postérieur du talon à l'extrémité du 2° orteil, elle mesure 25,4 cm. Cette longueur représente l'empreinte plantaire du pied, mais pas la longueur totale du pied.
Pied gauche
               L'empreinte est beaucoup plus petite et dessine une forme de "E" majuscule avec une sorte de cédille. La partie postérieure de cette tache correspond peut-être à une image de l'extrémité du talon, mais ce n'est pas certain. On distingue, sur le bord interne de cette tache et de façon beaucoup plus atténuée, une image très arrondie du massif tarsien ; à l'extrémité de la cédille, il existe une petite tache ronde à centre clair.
               Les images sanguines visibles ne sont pas limitées par une bordure nette, mais ressemblent beaucoup, en plus foncé, à celle de l'écoulement sanguin situé à l'extérieur du talon droit. Il s'agit donc pas de décalque de caillots mais de sang qui est tombé goutte à goutte sur le suaire.
               Le talon gauche semble situé plus près des genoux que le droit ; la différence est d'environ 2 cm.
Interprétation des observations
               Le fait que la marque du pied gauche soit moins accentuée que celle du droit laisse à penser, compte tenu de ce que nous savons de la tridimensionnalité de l'image, que le pied gauche était plus éloigné du Suaire que le droit. Il n'y avait donc pas de contact entre le pied droit et le Suaire, sauf peut-être l'extrême pointe du talon.
          La distance (18 cm) qui sépare, sur l'empreinte postérieure, le talon gauche de la plaie du pied droit ne permet pas un enclouage simultané des deux pieds passant par la plaie du pied droit, sauf à traverser le pied gauche juste entre les deux premières phalanges, ce qui n'aurait aucune solidité. Il faut donc conclure que chaque pied a été encloué séparément. Pour chercher le point d'enclouage du pied gauche, invisible sur l'empreinte postérieure, il faut se pencher sur les empreintes sanguines antérieures.

Examen des empreintes des pieds visibles sur la face antérieure du Suaire
               Leur analyse est nettement plus difficile, toutefois on peut voir : 
  • Une partie supérieure à dominante rouge (représentée sur les deux photos ci-dessous), formée de deux taches :
    • l'une supérieure (colorée en vert clair sur la photo ci-dessous) grossièrement ronde, d'environ 4 cm de diamètre, située dans le prolongement de la jambe droite, portant dans sa partie supérieure une tache plus foncée de 6 mm de diamètre environ (cercle rouge)
    • l'autre inférieure (colorée en bleu) grossièrement rectangulaire, de 7 x 2,5 cm, marqué en son centre par une petite tache ronde de 6 mm (cercle rouge) et prolongée sur son bord gauche par un croissant descendant de 8 cm (dont on ne voit ici que les 3 premiers cm). La partie gauche de la tache rectangulaire et le croissant sont situés dans le prolongement de la ligne séparant les deux jambes.
  • Une partie inférieure faite de deux lignes horizontales de 1 cm d'épaisseur, de coloration rappelant celle des images corporelles, séparées par un espace plus clair de 1 cm.
empreinte antérieure pieds.jpg (17690 octets)
image anterieure pieds.jpg (17385 octets)
Vue de détail de la partie supérieure de l'empreinte dorsale des pieds
empreinte antérieure pieds.jpg (6718 octets)
Vue de la totalité de l'empreinte antérieure des pieds. Sur cette photo sépia, il est plus difficile de faire la différence entre ce qui est du sang et ce qui est une image corporelle. On retrouve, à la partie haute l'image détaillée ci-dessus et, à la partie plus basse le reste de l'empreinte correspondant aux deux rangées d'orteils, les orteils gauches en haut, les droits en bas.
La partie gauche de l'image correspond à la partie gauche du corps.
                La compacité de cette empreinte laisse supposer que les deux pieds étaient réunis au point de se chevaucher ; l'empreinte parfaitement visible du pied droit appuyé sur la face postérieure du Suaire ne permet qu'une hypothèse : le pied gauche croisait devant le pied droit et était situé légèrement plus haut que lui en direction des genoux. A la lumière de cette hypothèse, et en sachant qu'un enclouage simultané des deux pieds est fortement improbable, nous pouvons faire correspondre chaque image avec la structure anatomique probable.
Interprétation des observations
               La petite tache ronde située dans la partie supérieure (verte) peut correspondre à l'orifice d'entrée de l'espace de Mérat du pied droit. Le sang, en s'écoulant, se serait dirigé vers le bas, aurait rencontré le 1° métatarsien du pied gauche et se serait infiltré dessous.
               La petite tache ronde située au milieu de la tache rectangulaire (bleue) peut correspondre à la partie supérieure du 1° espace interdigital, 1 cm environ en-dessous de la réunion des deux premiers métatarsiens.
               Le pied gauche étant incliné fortement sur son bord externe, le sang coulant de cette plaie après la mise au tombeau, aurait suivi la ligne de plus grande pente et se serait dirigé en bas et en dehors vers la tête du 5° métatarsien, ce qui aurait donné l'image en croissant
               La petite bande claire légèrement oblique séparant la tache ronde supérieure de la tache rectangulaire correspondrait au bord externe du 1° métatarsien du pied gauche, que le sang n'a pas pu franchir.
               La première bande horizontale correspondrait aux phalanges du pied gauche, tandis que la 2° bande horizontale correspondrait aux phalanges du pied droit.
               Entre la petite tache ronde présumée être l'orifice de l'espace de Mérat du pied droit et la rotule droite, la distance (48,4 cm) correspond à la distance théorique ; il en va de même pour la distance séparant la petite tache ronde du pied gauche de la rotule gauche (52,4 cm), ces deux longueurs correspondant à un pied en hyper-extension sur la jambe avec un angle pied - jambe de 14°.
Jambes antérieures + décalques pieds.jpg (21510 octets)
jambes postérieures + décalques pieds.jpg (22834 octets)

Vérification de la cohérence avec l'empreinte postérieure
               Tout ceci semblant cohérent sur la face antérieure, reprenons l'empreinte postérieure pour vérifier la correspondance des images avec leur emplacement présumé ;
               Si le clou planté dans le pied gauche a été placé en oblique ascendant, son orifice de sortie se trouve au-dessus et en dedans du petit rond clair situé à l'extrémité de la cédille.
               Il et possible que cette petite tache claire corresponde à une ou plusieurs gouttes de sérosités ayant suinté de cet orifice, par exemple après coagulation du sang et rétraction du caillot.
               A partir de cet orifice plantaire, le sang a coulé sur la plante du pied droit en suivant la ligne de plus grande pente en suivant le ligament de Lisfranc ; parvenue à la base du cuboïde, une partie s'est dirigée vers la base du 5° métatarsien et a goutté verticalement donnant la partie externe de la branche inférieure du "E"
               Une autre partie a poursuivi son chemin vers le bord interne du cacanéum, en perdant quelques gouttes au passage, puis elle a contourné le calcanéum par l'avant (donnant la branche interne du "E") et par l'arrière (donnant la branche supérieure du "E") ; a chaque fois le sang a goutté sur le suaire, donnant cette juxtaposition de petites taches rondes formant le "E" et sa cédille.
Conclusions
               La vraisemblance de cet écoulement, sa cohérence avec l'image antérieure ainsi que la correspondance entre les distances mesurées sur le Suaire et les longueurs théoriques des segments de membres amènent à conclure, jusqu'à preuve contraire :
  • que les deux pieds ont été encloués séparément
  • que le pied droit reposait presque à plat sur le Suaire, en appui préférentiel sur son bord externe, le pied en hyper-extension sur la jambe et en légère rotation interne (10 ° environ) ; il a été cloué dans l'espace de Mérat.
  • que le bord interne du pied gauche reposait sur le bord interne du pied droit, les deux 1° métatarsiens se croisant presque à leur base selon un angle de 30° environ.
  • que le pied gauche ne touchait pas le suaire, sauf peut-être par l'extrémité de son talon ; il a été fixé par un clou planté dans le 1° espace interdigital, à 1 cm environ de sa base, légèrement incliné en haut et en dehors.

Réserves
               Compte tenu de la mauvaise qualité des clichés, notamment celui de l'empreint antérieure, il va de soi que l'emplacement des pieds, qui n'a été représenté ici qu'à travers le schéma grossier de leur empreinte plantaire, n'est pas positionné au mm près. Une étude plus approfondie en 3D est en cours, mais elle ne devrait pas modifier sensiblement les résultats actuels.

CONCLUSION :
  De tout ceci, on peut conclure que lors de son transport du calvaire au tombeau, le corps n'a pas subi de déformations angulaires, les angles observés sont proches de ceux calculés et vérifiés par Barbet et correspondent à la position la plus relevée sur la croix : si l'angle des genoux s'était ouvert au cours du transport, l'empreinte du pied aurait été oblique par rapport au Suaire et l'image de l'extrémité des orteils aurait disparu. L'hypothèse d'une rigidité cadavérique totale et immédiate semble donc pouvoir être retenue et les mécanismes physiopathologiques qui la sous-tendent aussi.
                    La différence de hauteur des coudes provient probablement de ce que les deux membres supérieurs n’ont pas été ramenés près du corps de la même manière : le membre supérieur droit a été ramené de sa position d’élévation jusque le long du corps en restant dans le plan du corps, puis le coude a été fléchi et l’avant-bras mis en pronation ; le membre supérieur gauche a été amené vers le corps dans un plan orienté à 45° puis le coude fléchi, etc.
                    L'emplacement donné par P Mérat pour la crucifixion des pieds (jonction scaphoïde – 2° et 3° cunéiformes) correspond parfaitement à mes calculs.
                    Toutes ces mesures, cohérentes entre elles et concordantes avec les images du Suaire, nous obligent à conclure que la taille de Jésus était plus proche de 1,90 m que de 1,80 m comme affirmé jusqu'ici. Sur quels éléments était basée cette longueur de 1,80 m ?
                    Il serait intéressant de confronter les valeurs contenues dans la base de données avec les valeurs trouvées par les archéologues et anthropologues ainsi qu'avec des mesures effectuées sur des sémites actuels ; Jésus était-il exceptionnellement grand ou simplement un peu plus que la moyenne de ses contemporains ?
                    Il faut remarquer que l'image du Suaire ne nous semble harmonieuse que parce que nous ne voyons pas les bras ; en effet, avant 1532, l'image du corps devait paraître difforme avec un bras gauche plus court que le droit d'environ 5 cm (de plus, le coude gauche étant plus près de la surface du Suaire, son image devait être bien plus apparente, ce qui devait encore accroître l’impression d’asymétrie) ; ceci est un argument de plus en faveur de l'authenticité car on voit mal un artiste (médiéval ou antérieur) fabriquer un objet difforme et apparemment incohérent (seule la rigidité immédiate de la crucifixion autorise à surélever le coude gauche alors que les coudes de tous les morts " souples " sont à la même hauteur )
                    Tous les calculs reposent sur la parfaite horizontalité du plan du Suaire au moment de la formation de l'image du corps (mais pas de la formation des traces de sang !) ; le résultat cohérent de ces calculs incite à penser qu'il en fut bien ainsi ; il faudrait donc pousser un peu plus loin les travaux en ce sens et étudier notamment l'emplacement réel des images sanguines sur les avant-bras (et celle, en forme d’étoile, proche du coude droit) car il est vraisemblable que nous aurions les mêmes déformations que pour celles du visage.
                    Au passage, on peut relever certains détails :
  • la longueur de l'index est supérieure à celle de l'annulaire, ce qui n'est pas fréquent chez nous.
  • le 2° orteil est plus long que le premier.
  • les doigts des deux mains sont très serrés, alors que les orteils sont plutôt écartés ; on retrouve là des données habituelles observées en pathologie ; au décours d’une hémiplégie, la spasticité des muscles s’installe et la prééminence de certains groupes musculaires provoque des attitudes vicieuses dont le résultat est :
    • une flexion du membre supérieur : avant-bras complètement fléchi sur le bras, main en pronation forcée, poignet fléchi au maximum, doigts fléchis et complètement serrés les uns contre les autres. Pour Jésus, il est très probable que l’avant-bras était aussi fléchi que le permettait la crucifixion (c’est à dire peu), idem pour le poignet, mais les doigts auraient dû être en flexion complète dans la paume. Seule une lésion de la branche motrice du médian peut expliquer les doigts en hyper extension ; les interosseux (muscles responsables du rapprochement des doigts) sont innervés non par le médian mais par le cubital, il est normal que les doigts soient serrés.
    • une extension du membre inférieur : jambe en hyper extension, pied en équin et rotation interne, orteils " en éventail " ; pour Jésus, l’extension forcée de la jambe était limitée par le clou dans le pied, mais il convient de noter que l’angle du cou de pied mesuré est légèrement inférieur à celui estimé par Barbet, ce qui va bien dans le sens d’une extension la plus complète possible.
  • La combinaison de cette très forte attitude en flexion des membres supérieurs et en extension des membres inférieurs correspond avec ce que dit l’évangile : " et Jésus, poussant un grand cri, expira " ; pour crier, il a dû vider sa cage thoracique, donc tirer sur ses bras et pousser sur ses jambes. Il est resté définitivement dans cette position.
                    Un autre point mérite d'être souligné : les deux témoignages cités par Barbet sur les prisonniers parlent d'une sudation abondante précédant la mort. En ce qui concerne Jésus, il  paraît évident aussi que le travail musculaire fourni, l'hypercapnie, l'hypovolémie étaient à l'origine d'une transpiration intense ; cette transpiration a coulé tout le long du corps et a certainement "lavé" les plaies de la flagellation, expliquant leur étonnante propreté et peut-être aussi leur couleur inhabituelle ; en tous cas, cela mériterait probablement une étude plus approfondie.
                    Jusqu'à présent, l'hypthèse communément admise était qu'on avait utilisé la patibulum pour transporter Jésus jusqu'au tombeau.  Il est tout à fait possible qu'il ait été décloué au calvaire et que deux personnes aient soutenu le haut du corps en se plaçant de chaque côté de la tête et en prenant les bras très près de l'épaule ; la rigidité était suffisante pour que cela ne pose aucune difficulté.
                    Un autre point concerne les plaies de la couronne d'épines ; celle-ci a été enlevée après la déposition de la croix et elles ont dû se remettre à saigner à ce moment ; une étude plus approfondie de ces plaies permettrait peut-être de vérifier ce point.
                    L’angle de la tête avec le corps sera certainement très faible, les distances bouche - nombril et bouche - pubis étant très proches de la normale pour un corps étendu ; la courte distance menton - sternum est due pour sa plus grande part à la distension du thorax : au cours d'une inspiration forcée, il y a horizontalisation et élévation des côtes qui entraînent bien évidemment le sternum.
                    Enfin, compte tenu de tout ce que nous connaissons de la tridimensionnalité de l'image et de la formation très probable de l'image sur un plan horizontal, il est vraisemblablement possible de déterminer la loi mathématique de décroissance de l’intensité de l’image : le point le plus élevé au-dessus du Suaire est probablement la métacarpo-phalangienne gauche, puis l’extrémité du nez et la rotule droite ; par ailleurs il est facile de déterminer "l’altitude" des pectoraux, de l’abdomen… S’il était possible de connaître l’intensité de la couleur du corps (en dehors de toute trace sanguine bien entendu) en quelques endroits bien précis, sur une surface de 1 mm² par exemple, un mathématicien devrait pouvoir déterminer cette loi.





Sciences et Linceul - La formation de l'image



LA FORMATION DE L'IMAGE

PLAN DE LA PAGE :
  1. Introduction
  2. La technique du transfert de poudre de Craig
  3. La proto-photographie d'Allen
  4. Les théories des radiations
  5. Retour sur la physico-chimie de l'image
  6. La réaction chimique dite de Maillard
  7. Conclusion


INTRODUCTION

Nous avons vu dans les chapitres précédents les propriétés physico-chimiques puis les propriétés optiques et géométriques de l’image.

Avant d’aller plus loin il est nécessaire de les résumer dans ce chapitre car toute théorie sur la formation de l’image doit être compatible avec ces propriétés.

1) Superficialité : la coloration jaune sépia à l’origine de l’image réside uniquement sur la surface des fibres les plus externes des fils. De plus la coloration ne pénètre pas à l’intérieur des fibres colorées (la médulla est incolore) et se laisse détacher de celles-ci à certains endroits par les rubans adhésifs : elle ne semble pas concerner la cellulose elle-même mais une fine couche recouvrant intimement les fibres.

2) Double superficialité : il nous faut maintenant parler de cette découverte récente et capitale qui n’a pas été abordée jusqu’ici. En avril 2004 la revue scientifique Journal of Optics rapportait les observations d’une équipe italienne portant sur la face postérieure, jusqu’ici cachée, du suaire. En 1978, l’équipe du STURP avait aussi eu accès brièvement à cette face (en décousant une partie du tissu de Hollande qui la cache) grâce à une vision directe et des endoscopes. Ils avaient pu remarquer que les taches de sang traversaient le tissu mais que l’image n’apparaissait pas sur cette face.
Grâce à un scanner à haute résolution, à des photos de haute qualité de l'envers prises en 2002 et à divers procédés de traitement d’image, l’équipe italienne pense avoir démontré la présence d’une image extrêmement estompée, invisible à l’œil nu, mais uniquement au niveau du visage et peut-être des mains. En d’autres termes, à ces endroits, l’image a traversé le suaire mais sans laisser de trace dans l’épaisseur du suaire.


3) Discontinuité : dans la zone image des fibres colorées côtoient des fibres non colorées. La plus ou moins grande intensité de la coloration ne provient pas d’un changement de la couleur elle-même (monochromie) mais d’une variation du nombre de fibres colorées par unité de surface.

4) Négatif : l’image vue à l’œil nu se comporte comme un négatif photographique : le négatif photographique de cette image est un « positif » en ce sens qu’il montre un réalisme, un niveau de détails, ainsi qu’une profondeur que ne montre pas le linceul vu à l’œil nu.

5) Non distorsion : l’aspect et les dimensions des différentes parties du corps représenté sont totalement réalistes, sans déformation.

6) Absence d' effet de lumière : les différences entre les zones sombres et claires de l’image donnant l’effet de profondeur ne sont pas produites par la technique classique d’ombre et de lumière. Le sujet de l’image ne semble pas avoir été éclairé par une source de lumière extérieure. Tout se passe comme si la source de l’image était le sujet représenté lui-même.

7) Isotropie : aucune trace d’une direction préférentielle trahissant le mouvement d’un pinceau n’est décelable.

8) Tri-dimensionnalité : la densité de la coloration en une zone de l’image est fonction de la distance séparant le corps (ou l’objet en relief qui le représente) du linceul. L’image en relief obtenue à partir de cette loi montre très peu de déformations  (liées aux limites de la technique et aux reliefs du support).

9) Haute résolution : l’étude détaillée du négatif photographique montre des détails de très petite dimension avec un niveau de précision très important. La résolution (capacité de distinguer 2 points très rapprochés) est étonnante.

10) Projection : la non-distorsion, l’absence de source de lumière externe repérable dans la représentation, la tri-dimensionnalité et la haute résolution, ainsi que le fait que l’image obéit aux lois de la projection et de la perspective aboutit à l’hypothèse suivante : tout se passe comme si le corps ou l’objet qui en tient lieu s’était  projeté verticalement à très courte distance et sur une surface (le suaire) elle-même quasiment plate.

Nous verrons que tenir ensemble toutes ces propriétés est extrêmement difficile et que le problème ne semble pas encore vraiment résolu.

De très nombreuses théories de formation de l’image, dans des cadres explicatifs très différents, ont été émises.
Nous ne pouvons pas les passer toutes en revue.
Nous allons cependant voir en détail les principales à savoir celles qui semblent les plus représentatives et/ou qui font encore l’objet de débats.



LE MODELE DE L’IMAGE PAR LA TECHNIQUE DE TRANSFERT DE POUDRE :

1) SOURCES:

« Image Formation and the Shroud of Turin » Emily A. Craig and Randall R.Bresee -1994
« Alice In Wonderland and the Shroud of Turin » Isabel Piczek -1996


2) DESCRIPTION DE LA TECHNIQUE :

Ce modèle fut développé par Craig et Bresee et parut dans le « Journal of Imaging Science and Technology » en 1994.
Il se place clairement dans l’hypothèse de l’œuvre médiévale à partir des travaux de Mc Crone que nous avons vus précédemment.
La substance de l’image serait donc constituée de poudre d’oxyde de fer et de collagène mais la technique de mise en œuvre diffère considérablement d’une peinture classique. Il s’agit ici d’une technique proche de celle utilisée depuis longtemps par les illustrateurs, en particulier dans les dessins anatomiques.

La technique est la suivante :
- on prépare une fine poudre d’un mélange de collagène et d’oxyde de fer
- sur un papier type papier journal (mais n’importe quelle surface lisse et légèrement poreuse disponible au Moyen-Age ferait l’affaire) on applique cette poudre monochromatique avec une fine brosse en répétant les mouvements selon des angles variables. On dessine directement en négatif c'est-à-dire simplement en inversant les valeurs claires/sombres de ce que l’on observe sur le modèle. De plus pour tenter d’obtenir un effet tri-dimensionnel, on met plus de poudre sur les zones en relief pour les rendre plus sombres (puisque c’est un négatif) et moins de poudre sur les zones en creux.
- on applique ensuite ce « dessin » sur une surface de lin ce qui permet d’obtenir la même image, toujours en négatif, mais beaucoup moins visible.
- finalement on expose le lin à de la vapeur d’eau afin de liquéfier le collagène en une fine couche permettant de fixer le pigment d’oxyde de fer à la cellulose du lin.

3) RESULTATS :

- les photographies présentées par les auteurs montrent un visage ressemblant à ce qui est observé sur l’image du suaire. Le négatif montre aussi un effet de netteté et de profondeur proche du négatif photographique de l’image du suaire.
- les fibres colorées sont superficielles, les différences de coloration sont en rapport avec la densité de fibres colorées par rapport aux fibres non colorées (NB : ce fait n’est pas mentionné dans l’article princeps mais affirmé, sans démonstration, ailleurs).
- avec les techniques de représentation tri-dimensionnelles informatisées traduisant en « hauteur » les différences de coloration on obtient un effet de relief. Cependant le résultat obtenu sur le lin est à peine visible (beaucoup moins que ce qui est obtenu avec le linceul) en raison, d’après les auteurs, de la perte du signal (peu de poudre transférée) et du bruit de fond du lin. L’important est qu’il ne semble pas y avoir de déformation.


  
- la conclusion des auteurs est la suivante :

 puisque :

 a) les éléments matériels étaient disponibles au Moyen-Age
 b) les éléments intellectuels l’étaient aussi (les auteurs citent les grottes de Lascaux qui contiendraient des dessins utilisant des techniques de transfert de poudre, jusqu’à des livres du 12ème et 14ème siècle décrivant les techniques de dessin)
 c) et qu’ils ont réussi à reproduire les principales caractéristiques de l’image du suaire

alors le problème de l’image du suaire est résolu.


4) CRITIQUES :

- la théorie présentée ici s’appuie sur l’hypothèse de l’application de pigments sur le linceul. Cette hypothèse n’est pas en accord avec les faits 

- aucune photo à fort agrandissement n’est apportée au dossier pour démontrer la ressemblance entre leur production et le suaire, au niveau des fils

- aucune étude microscopique n’est faite en comparaison avec les observations sur les fibres image du suaire (médulla non colorée etc.) pas plus que des études spectroscopiques, microchimiques etc. permettant la comparaison avec les données de 1978.

- La question du sang n’est pas abordée (mettre du sang sur le lin avant l’image et selon une configuration anatomique correspondant parfaitement au dessin que l’on va transférer ensuite ne semble pas être un problème pour les auteurs ! )

- Les critiques émises par Isabel Piczek, experte en peinture figurative et histoire de l’art sont aussi à prendre en considération : le point important de l’hypothèse présentée par Craig est le fait que tout part d'un dessin.
Si on veut obtenir ce que l'on voit sur le suaire, il faut commencer par dessiner à l'échelle 1/1 un homme en entier face antérieure et postérieure (pas seulement un visage comme Craig, pas une composition car l'image est continue), de façon totalement  réaliste et en négatif.
Piczek affirme que :
- se fondant sur sa propre expérience (experte et lauréat de grands prix internationaux en dessin figuratif) un tel dessin est irréalisable aujourd'hui encore
- ce type de dessin figuratif, hyperréaliste, était inconnu au Moyen-Age de même que les connaissances anatomiques et physiologiques nécessaires.
- l'art du portrait suit un développement historique bien connu, débutant au 14ème siècle mais devenant d'un réalisme suffisant dans la 2ème moitié du 17ème siècle seulement. Le dessin initial, comme l'image du suaire, ressemble à un pastel dont la technique remonte à 2 siècles à peine.
- les références des auteurs aux grottes de Lascaux (il ne s'agissait pas de négatif) comme  aux livres de technique picturales disponibles au Moyen-Age (aucune technique ressemblant à celle décrite par les auteurs n'y est mentionnée) ne sont pas valables.

5) CONCLUSION :

Dans l'hypothèse où l'image du suaire serait la production d'un artiste du Moyen-Age, il faut reconnaître que la technique présentée ici est probablement la plus convaincante si l'on en croit les photos. Elle semble bien reproduire en effet beaucoup des propriétés optiques de l'image du suaire, y compris les plus difficiles à comprendre (négativité, non directionnalité du trait, absence d’effet de lumière, superficialité et, dans une moindre mesure, tri-dimensionnalité).

Néanmoins la preuve n'est pas faite, loin s'en faut, de l'utilisation de cette technique pour fabriquer l'image du suaire comme le montrent les critiques développées plus haut.
Les arguments basés sur l'histoire de l'art (Craig, malgré ce qu'il affirme, n'apporte aucune preuve de l'utilisation de sa technique au Moyen-Age), comme les difficultés techniques pratiques de réalisation semblent incontournables.
La question du sang n’est pas sérieusement abordée.

Cette théorie, dans sa visée (expliquer la formation de l'image) ressemble manifestement à une théorie ad hoc, c'est à dire qu'elle est construite pour démontrer ce qu'elle veut démontrer.
Par exemple : dessiner en négatif (pourquoi, sinon pour faire apparaître le positif sur les négatifs photographiques comme pour le suaire ?), passer et repasser la brosse pour faire disparaître toute directionnalité du dessin (contrairement à tout dessin ou peinture spontanés, naturels)  pour obtenir ce que l’on observe sur le suaire, insister sur certaines zones pour obtenir un effet de tri-dimensionnalité etc.

Procédant manifestement par essais et erreurs jusqu'à parvenir au résultat souhaitable, ils utilisent pour contrôler leur résultat des moyens modernes (photographie etc.) qui, ne l'oublions pas, n'étaient pas disponibles au Moyen-Age...un artiste de cette époque aurait eu beaucoup de chance s'il était parvenu à ce résultat du premier coup sans ces moyens de contrôle !

Enfin, et c’est une remarque générale valable pour d’autres théories, ce n'est pas parce que des outils sont disponibles à une époque donnée qu'ils furent utilisés de la façon dont nous les utiliserions aujourd'hui.
Comme le fait remarquer quelqu'un avec humour il y a peu de chance de trouver dans une tombe égyptienne un portrait de Marilyn Monroe ressemblant à celui fait au 20ème siècle par Andy Warhol et pourtant la "science dure" peut nous affirmer que les anciens Egyptiens possédaient tous les outils nécessaires (pigments, support etc.) : l'étude du suaire comme objet archéologique doit tenir compte de toutes les données du débat, y compris celles apportées par les sciences humaines sous peine de commettre de graves contresens.

En conclusion, l'hypothèse de la technique de transfert de poudre, replacée dans le contexte général de l'étude du suaire, n'est pas convaincante.
Comme elle nécessite la présence de pigments et liants qui n'existent pas sur le suaire elle doit être rejetée.




LA THEORIE DE LA PROTOPHOTOGRAPHIE :

1) SOURCES :



2) DESCRIPTION DE LA TECHNIQUE :

Au début des années 90 une série d’expérimentations fut menée par Allen et d’autres chercheurs pour tenter de reproduire une image ayant les caractéristiques de celle du suaire.
L’hypothèse était que l’image, ressemblant si fortement à un négatif photographique pouvait en être réellement un et avoir été produite au Moyen-Age (cette théorie accepte les résultats de la datation au carbone 14) avec des moyens disponibles à cette époque.

- un corps est suspendu verticalement et exposé un certain nombre de jours à la lumière directe du soleil le matin et l’après-midi.
- le sujet est placé devant un dispositif appelé camera obscura : une pièce sombre avec, d’un côté le tissu de lin et de l’autre, face au sujet, une simple lentille de quartz biconvexe. Le lin a été préalablement traité par une solution de nitrate d’argent diluée à 0,5%. Les photons issus du corps éclairé sont alors focalisés par la lentille sur le tissu. Le processus est répété pour obtenir l’image de la face dorsale.
- Il apparaît alors une image en négatif brun-sépia
- le lin est ensuite brièvement lavé avec une solution d’ammoniaque dans le but de le nettoyer du nitrate d’argent.

3) RESULTATS :

- Les photographies présentées montrent une image ressemblant à celle du suaire : en négatif (les détails sont bien visibles sur les négatifs photographiques avec un certain effet de relief), de coloration identique.


- le nitrate d’argent utilisé n’est pas retrouvé par les analyses spectrométriques, comme sur le suaire
- la coloration n’est retrouvée que sur les fibrilles les plus superficielles
- elle semble résulter d’une oxydation/déshydratation des fibres de cellulose.

4) CRITIQUES ET CONCLUSION :

- Bien que la camera obscura et les lentilles ont effectivement existé au Moyen-Age, il n’existe aucun exemple connu de « proto-photographie » avant l’apparition de la photographie au 19ème siècle dans l’histoire de l’art ou de la photographie. Il s’agirait donc, encore une fois, d’une œuvre géniale sans antécédent ni successeur, ne s’inscrivant dans aucune lignée, cas unique dans l’histoire connue.
- Même de nos jours, avec les techniques modernes de photographie et de traitement d’image par ordinateur il est extrêmement difficile à un expert de reproduire toutes les caractéristiques si particulières de l’image du linceul.
- Même si la technique employée reproduit certaines caractéristiques du suaire, elle ne les reproduit pas toutes et en particulier :
- l’absence d’effets de lumière sur le suaire : l’observation attentive des photos d’Allen montre une directionnalité de la lumière qui n’existe pas sur le suaire. Allen répond que, dans son hypothèse, le sujet a du être exposé à une lumière frontale, de face, ce qui limite les ombres portées. En réalité, cela n’est pas possible comme le montre la zone sombre située au dessus des mains sur le suaire qui aurait due être claire en cas d’illumination frontale.
De façon générale les spécialistes s’accordent pour confirmer l’absence de directionnalité de la lumière sur le suaire, ce qui, en soi, élimine tout processus de formation de l’image faisant appel à une source de lumière extérieure : tout se passe comme si, répétons le, la source était le corps lui-même.


- la tri-dimensionnalité : Allen ne semble apporter aucune preuve d’un codage tri-dimensionnel des images qu’il obtient. A vrai dire, dans l’article cité, cette notion, essentielle dans l’image du suaire, n’est pas évoquée.
C’est cette tri-dimensionnalité qui explique la zone sombre située au dessus des mains croisées qui est évoquée plus haut (le suaire étant à trop grande distance de la partie du corps en question, puisque, surélevé au contact des mains, il n’est pas « impressionné ») et non pas un effet d’ombre portée comme Allen le prétend.

En conclusion, la théorie de la proto-photographie d’Allen ne peut pas être retenue pour de nombreuses raisons mais elle a pour nous l’avantage de démontrer clairement par l’exemple un point capital concernant le processus de formation de l’image : elle ne peut pas avoir été créée à partir d’une source de lumière extérieure, comme le démontrent clairement ses propriétés uniques de non-directionnalité de la lumière et de tri-dimensionnalité.

La cause de l’image est donc le corps lui-même (ou l’objet qui en tient lieu).
Quel est donc l’agent émis par le corps qui a pu « impressionner » de cette façon si particulière le suaire ?
Il n’est pas très étonnant que beaucoup se soient intéressés aux théories des « radiations » qui auraient pu être émises par le corps.




LES THEORIES DES RADIATIONS :


1) SOURCES :


2) RESUME :

A la suite des travaux du STURP et pour expliquer les caractéristiques optiques et géométriques de l’image du suaire, certains auteurs ont développé, depuis longtemps, des théories « non conventionnelles » basées sur l’émission de radiations par le corps de Jésus au moment de la Résurrection.
Comme, à l’évidence, ces théories sont hors du champ habituel de la science, nous ne ferons que les effleurer ici parce qu’elles tiennent, qu’on le regrette ou non, une place importante dans l’histoire de la recherche sur le suaire.

La synthèse la plus complète et récente a été élaborée par Antonacci dans son livre « The Resurrection of the Shroud » paru en 2000 au Etats-Unis.
S’appuyant sur des travaux antérieurs de Jean-Baptiste Rinaudo, Kitty Little, Mario Moroni et coll., ainsi que sur un modèle de Jackson, il formule l’hypothèse suivante :
- le corps de Jésus se « dématérialise », émettant une faible quantité de particules chargées (protons, particules alpha, deutérons etc.) et de particules non chargées (neutrons etc.).
- le linceul tombe alors et entre en contact avec le champ de particules chargées. Du fait de la direction verticale de la chute du suaire sous l’effet de la pesanteur, l’effet de l’interaction donne une dimension verticale à l’image.
- les parties initialement en contact avec le corps reçoivent le plus de particules, celles qui en étaient éloignées en reçoivent le moins : ceci pourrait expliquer la tri-dimensionnalité de l’image.
- l’énergie et la quantité des particules étant minimes il n’y a pas d’explosion et l’image ne se révèle que plus tard (image latente) comme le montrent certaines expérimentations.
- ces mécanismes permettraient aussi d’expliquer le négatif et la haute résolution de l’image, ainsi que la totalité des faits comme les taches de sang (qui, selon l’auteur, ne peuvent s’expliquer par le simple contact) etc.

L’essentiel des données repose sur les travaux d’un chercheur français biophysicien, Jean-Baptiste Rinaudo qui a démontré que :
- l’irradiation d’un tissu de lin par des protons reproduisait les principales caractéristiques physico-chimiques de l’image du suaire : coloration jaunâtre des fibres par création de groupes carbonyles conjugués, superficialité (les protons sont des particules ionisantes à faible pénétration) et caractère friable des fibres colorées. La très faible diffusion des protons (contrairement aux neutrons) explique pourquoi ils n’impressionnent pas l’ensemble du linceul mais seulement les parties très proches du corps d’où la formation de l’image.
- selon des expériences de Rinaudo et Moroni, que nous ne détaillerons pas, l’irradiation d’échantillons de lin ancien, parfaitement datés par radiocarbone et les données historiques,  par des protons et des neutrons produit un rajeunissement apparent de l’âge radio-carbone en créant du Carbone 14 à partir de l’azote 14 (N14) et du Carbone 13 (C13). Ce nouveau Carbone 14 s’intègre suffisamment au tissu pour ne pas être éliminé par les procédures de pré-traitement des échantillons identiques à celles utilisées pour la datation au carbone 14 de 1988. Mieux encore : le rajeunissement de tous les échantillons traités est de 1120 à 1390 ans, ce qui correspond en gros à ce que donnait la datation de 1988 : le suaire serait donc rajeuni d’autant ce qui le daterait possiblement du premier siècle, sous l’hypothèse d’une telle irradiation.

En résumé la « dématérialisation » du corps, aurait fourni, sur une très courte distance et avec une très faible pénétration des protons à l’origine de l’image et, sur une grande distance des neutrons à l’origine du rajeunissement de l’âge apparent du suaire déterminé par le Carbone 14.

3) CRITIQUES ET CONCLUSION :

Les articles cités dans les sources intègrent un certain nombre de critiques de Rogers concernant la physique mise en jeu dans les théories des radiations et les réponses des intéressés.
Ces critiques portent essentiellement sur les effets attendus des radiations sur la structure physico-chimique des fibres de lin.
- la pénétration des protons (et indirectement des neutrons) laisse des « traces » dans les fibres de lin en interagissant avec les molécules de cellulose. Ces traces, détectables au microscope à polarisation, ne sont pas davantage décelées dans la zone image que dans la zone non-image.



- pour atteindre et colorer la face opposée de la fibre, une particule doit traverser la fibre : il est très peu probable dans ce cas que le centre de la fibre, la médulla, reste incolore comme on l’observe sur le suaire. Notons que cette critique reste vrai si l’image est portée par une couche d’impuretés en surface des fibres plutôt que par la cellulose elle-même.

Le plus important est la « philosophie » sous-jacente : est-ce de la science ou non ? Les auteurs affirment que oui, Rogers parle de « pseudo-science » ou de « science orientée ».
Il est vrai, comme l’affirme Rogers, que ce genre de théorie n’est pas de celles que l’on retrouve dans les revues scientifiques avec comité de lecture.
Formellement et superficiellement la démarche suivie et les outils ressemblent à de la « vraie » science :
- données initiales : les propriétés spécifiques de l’image du suaire
- hypothèses pouvant a priori répondre de ces données : la théorie présentée
- expérimentations : les expériences de Rinaudo en particulier venant à l’appui de son hypothèse.
- prédictions : à partir de la théorie des prédictions peuvent être faites et testées. Antonacci  développe un certain nombre de prédictions sur des produits que l’on devrait trouver sur le linceul si son hypothèse était vraie. Ces prédictions n’ont pas pu être faites jusqu’à présent faute d’échantillons disponibles.

Cependant on peut faire un certain nombre de remarques :
-  Il est bien évident que ces théories ne s’intègrent pas dans la science classique du seul fait qu’elles mettent en œuvre un événement du passé unique et violant les lois habituelles de la nature : la dématérialisation d’un cadavre ; Ceci ne veut pas dire que l’événement n’a pas eu lieu mais la science classique n’a pas été conçue pour cela.
- Les théories présentées sont d’un type connu (le concordisme) qui cherche à réconcilier à tout prix la réalité matérielle et les récits religieux, alors qu’il s’agit de 2 « ordres de réalité » différents. Ceci aboutit à un mélange des genres totalement non scientifique.

Deux exemples parlants tirés de Antonacci :
selon lui la désintégration du corps a du être à l’origine d’une onde de choc dans le tombeau (et non pas d’une explosion) qui pourrait correspondre au tremblement de terre cité dans l’évangile de Matthieu (Mt 27 51). Or, outre le fait que le tremblement de terre en question a lieu, selon l’évangéliste, au moment de la mort de Jésus et non pas de sa résurrection, il s’accompagne d’autres signes (le rideau du temple se déchira en deux, des morts ressuscitèrent) qui sont manifestement d’ordre symbolique et non pas matériel. L’auteur n’affirme pas formellement cela, mais le seul fait qu’il en parle ainsi dans son article montre assez clairement dans quel cadre il se situe.
Le deuxième exemple du type de raisonnement employé est le suivant : suivant la science classique, la désintégration (transformation en énergie de la matière) d’une masse comme celle d’un corps humain libèrerait une énergie nucléaire (E=m.c2) capable de raser toute la Terre Sainte comme le dit Rogers.
Comme cela ne s’est pas produit, Antonacci, ne sachant quoi faire de ce corps, fait appel à Einstein, aux trous noirs, aux « voyages dans l’espace-temps » en dehors du domaine de validité de ces concepts, d’ailleurs pour l’instant tout à fait théoriques. Les apparitions et disparitions du Christ ressucité pourraient aussi, selon lui, faire appel aux mêmes concepts.

En bref, il est clair que les théories des radiations présentées s’appuient sur un mélange d’expérimentations et de constatations  physiques réelles avec des concepts provenant des domaines religieux (en ignorant totalement leurs fondements propres, leur sens réel c'est-à-dire spirituel et symbolique) et de physique théorique encore très débattus.

On peut donc qualifier ces théories de la radiation, telles qu’elles nous sont présentées, comme de la pseudo-science.



RETOUR SUR LA PHYSICO-CHIMIE DE L’IMAGE :

1) SOURCES :

« Frequently Asked Questions (FAQs) »  Raymond N.Rogers-2004
« Scientific Method applied to the Shroud of Turin-A Review »  Raymond N.Rogers and Anna Arnoldi-2002

2) LES CONDITIONS PHYSICO-CHIMIQUES DE LA PRODUCTION DE L’IMAGE :

Les théories présentées ci-dessus ne sont que des exemples parmi beaucoup d'autres.
Aucune des hypothèses présentées depuis des décennies par des dizaines de chercheurs et autres ne sont convaincantes.
Aucune n'est capable de rendre compte de l'ensemble des faits observés.
Il est donc nécessaire, pour essayer de comprendre la formation de l'image, de repartir des certitudes que nous avons maintenant sur la nature chimique de l'image et de nous demander quel processus a pu induire la réaction chimique en cause.

Rogers, chimiste retraité des Los Alamos Laboratories et coordinateur des études chimiques du STURP en 1978, a été à l’origine des recherches les plus fécondes de ces dernières années, sur des échantillons en sa possession, et ce sont ses travaux sur ce thème que nous développerons ici.

Le point de départ est le suivant : du point de vue de la chimie l'image résulte d'une déshydratation oxydative d'un mélange d'hydrates de carbone avec formation de complexes carbonyle à double liaison. Cette réaction se produit au sein d'une couche ultra-fine d'impuretés situées sur l'extrême surface du tissu. 

Il n’existe que 2 façons d’obtenir cette réaction :
- le chauffage (caramélisation)
- des réactions chimiques.

a) Le chauffage :

Au-delà de 275 à 300°C. :  il ne peut pas être en cause dans la formation de l'image : en effet il a été démontré que la structure cristalline des fibres de cellulose commence à se désorganiser à partir de ces températures.

Le processus est le suivant : le chauffage au-delà de ces températures produit une déshydratation (élimination de l’eau) avec rupture des liaisons chimiques et apparitions de radicaux libres de carbone, très réactifs. Ceux-ci se lient immédiatement aux atomes adjacents (les chaînes de cellulose) en formant des « ponts ». Il en résulte une désorganisation progressive des chaînes de polymères de glucose formant la cellulose et une dégradation de l’ordre caractéristique de la structure cristalline de la cellulose normale. Ceci peut s’observer grâce au microscope à polarisation : les zones touchées perdent leur bi-réfringence.

Or les fibres de la zone image sont identiques à celles de la zone non-image pour cette propriété (elles ne montrent, les unes et les autres, que l’effet normal du vieillissement du lin) : l’image ne peut pas résulter d’un chauffage au-delà de 275 à 300°C.

A basse température (bien au-dessous de 100°C.) : il doit aussi être exclu car il faudrait un temps beaucoup trop long (en années) pour produire l'image.

Autour de 100°C. et plus : dans ce cas, en théorie, la réaction peut se produire en un temps raisonnable entraînant la coloration de la couche d'impuretées sans modification de la cellulose elle-même comme sur le suaire. D'un strict point de vue chimique, selon Rogers, cette hypothèse peut et doit être testée.
Néanmoins, en dehors du domaine de la physico-chimie, cette théorie nécessite un grand nombre d'autres présupposés peu vraisemblables que nous développerons dans le chapitre Synthèse.

b) Une réaction chimique :

Rogers a donc cherché, et trouvé, un type de réaction chimique sans dégagement de chaleur compatible avec ces données : les réactions dites "de Maillard".


UN CANDIDAT SERIEUX : LA « REACTION DE MAILLARD » :


1) SOURCE :

2) LA REACTION DE MAILLARD :

Il s’agit d’un ensemble de réactions très complexes mettant en jeu d’une part des hydrates de carbone, d’autre part des groupes amines (-NH2). Ces réactions surviennent à des températures beaucoup plus basses que la caramélisation. Elles aboutissent, en plusieurs étapes, à la production de nombreux composés polymériques avec doubles liaisons, de couleur brune : les mélanoidines.
Beaucoup des produits finaux sont identiques à ceux obtenus par chauffage.

Il faut donc 2 sources de réactifs :
- pour les sucres : la couche d’impuretés à la surface des fibres
- pour les amines : ce pourrait être le corps recouvert par le suaire.

En effet on sait qu’un cadavre en voie de décomposition émet, entre autres, d’une part de l’ammoniaque, d’autre part des molécules lourdes appelées putrescine (1,4-diaminobutane) et cadavérine (1,5-diaminopentane).
- l’ammoniaque diffuse très précocement à partir des poumons par la bouche et le nez et pourrait expliquer l’intensité plus élevée de la coloration, notée par certains, dans les régions du visage proches de ces orifices (moustache, barbe).
- putrescine et cadavérine diffusent sur une distance de quelques centimètres à travers les pores de la peau.

L’apparition de ces composés dépend de nombreux facteurs (chaleur, humidité) mais elle est précoce, en quelques heures seulement. Elle ne traduit pas une décomposition avancée du corps. Ceci est compatible avec l’absence de toute trace de liquide de décomposition sur le suaire, ce qui montre que le corps n’est pas resté plus de 30 heures environ dans le linceul.

L’apparition de la coloration par la réaction de Maillard dépend du taux de réactions entre réactifs qui lui-même est fonction du pH (acidité) et de la température du milieu. Plus la température augmente plus le taux de réaction est rapide et donc l’apparition de la coloration. Néanmoins cette réaction peut se développer lentement à température ambiante avec des composés sucrés moins stables que la cellulose comme les impuretés formées de sucres simples

Rogers peut maintenant proposer la théorie suivante pour la formation de l’image :

3) LA FORMATION DE L’IMAGE SELON LA THEORIE DE ROGERS :

Rogers fait intervenir dans sa théorie des considérations historiques concernant les méthodes de fabrication du lin et la réaction de Maillard décrite ci-dessus.

- le lin est fabriqué selon les méthodes décrites dans Pline l’Ancien (pour mémoire voir ici) qui furent utilisées dans l’antiquité et jusqu’à la fin du 13ème siècle.
- il en résulte qu’au moment du séchage du vêtement final, celui-ci contient en solution de nombreuses impuretés provenant des différentes phases de la fabrication : du végétal lui-même, de l’amidon déposé sur les fils de chaîne pour faciliter le tissage, de la saponaire (savon végétal mis en solution et utilisé pour laver le tissu ; il s’hydrolyse en produisant des sucres comme le galactose et le glucose).
- le tissu est mis à sécher au soleil en plein air et l’eau qu’il contient s’évapore à la surface du tissu, entraînant avec elle les impuretés. Celles-ci se retrouvent donc concentrées en surface du tissu, formant une fine couche collée à la surface des fibres, et sur les 2 faces. En effet l’évaporation-concentration se produit sur les 2 faces du tissu expliquant ainsi la double-superficialité.

- le tissu enveloppe de façon rapprochée le corps d’un homme mort dont la décomposition commence en quelques heures et qui produit de l’ammoniaque et des amines lourds que nous avons vus plus haut. Ceux-ci diffusent, pénètrent dans le tissu poreux et la réaction de Maillard a lieu uniquement au niveau des 2 couches d’impuretés sur les 2 faces du tissu : la coloration est superficielle sans coloration à l’intérieur du tissu.(A noter que s'il n'y a pas d'image sur l'autre face du tissu, cela n'enlève rien à la validité de la démonstration).
- l’ammoniaque renforce les réactions et la coloration dans les régions où il est concentré : près de la bouche et du nez  où il est émis : l'image montre ce renforcement.

- le taux de réactions, et donc la densité de coloration, dépend de nombreux facteurs dont :
  1. la distance corps/suaire : la quantité d’amines lourds issus du corps et atteignant le tissu est plus faible là où le tissu est loin du corps.
  2. d’autres facteurs possibles comme un gradient de température pourraient avoir joué un rôle important. En effet le taux de réaction s’accroît considérablement pour de petites augmentations de température (de 37°C.à 40°C. comme peut l’être la température du cadavre d’un homme mort de coup de chaleur et/ou déshydratation). Au contact du corps la température du lin s’accroît mais décroît très vite à quelques millimètres car ce tissu conduit mal la chaleur. Ainsi le taux de réaction pouvant être très précisément variable d’un point à l’autre pourrait expliquer la haute résolution de l’image du suaire.
  3. Selon Rogers, il est probable qu'une combinaison de facteurs pourrait expliquer la distribution des taux de réaction de Maillard d’un point à l’autre du tissu et peut-être les propriétés très particulières de l’image (tri-dimensionnalité, haute résolution etc.).
- Puis le corps est enlevé ou « disparaît » du suaire avant une décomposition plus complète.
- Enfin l’image se développe progressivement avec le temps.

Rogers a procédé à un certain nombre d’expérimentations pour étayer sa théorie.

4) EXPERIMENTATIONS :

Rogers a mis en œuvre des expériences à partir de son modèle pour vérifier qu’il obtenait les caractéristiques de ce que l’on observe sur le suaire.

Utilisant des tissus de lin fabriqués selon les méthodes anciennes décrites par Pline l’Ancien, il démontre que :

- on observe bien le développement d’une coloration jaune-brun par réaction de Maillard entre des sucres provenant de la saponaire et l’ammoniaque

- que la coloration se retrouve sur les 2 faces de la surface, sans coloration des fibres intermédiaires (double superficialité)
- que seules les fibres de surface sont colorées
- qu’au microscope seul le pourtour des fibres est coloré (la médulla reste incolore) et que la couleur jaune doré est identique à celle visible sur les fibres du suaire.

Au total, l'hypothèse de la réaction de Maillard semble bien, sous réserve d'études plus poussées, correspondre à l'image du suaire du point de vue physico-chimique.

En est-il de même pour les propriétés optiques et géométriques ?

5) DISCUSSION ET CONCLUSIONS :

Il a été reconnu depuis longtemps que les théories « vaporographiques » c'est-à-dire basées uniquement sur la diffusion de vapeurs ou de gaz à partir du corps ne pouvaient pas rendre compte de l’image pour 2 raisons principales :
- la pénétration des vapeurs à l’intérieur du tissu va à l’encontre de la superficialité de la coloration.
- la diffusion rend difficilement imaginable une haute résolution.

La théorie de Rogers peut s’apparenter à ces théories mais avec des différences.
En effet, le modèle d’évaporation-concentration, bien démontré et compatible avec les processus connus de fabrication des tissus de lin permet, pour la première fois, d’expliquer de façon naturelle la superficialité voire la double superficialité de l’image. Ceci est une avancée considérable dans l’étude du suaire.

Néanmoins le modèle de Rogers connaît des limites :
- comme Rogers le reconnaît, il n’explique pas la discontinuité de l’image.
- et surtout, dans l’état actuel de ses recherches, on ne peut tirer aucune conclusion quant à la capacité de sa théorie à expliquer les propriétés optiques et géométriques de l’image. Il n’apporte à ce jour aucune preuve expérimentale de la capacité de son mécanisme à fournir une image en négatif, à haute résolution, tri-dimensionnelle et sans distorsion comme celle que l’on voit sur le suaire.

Une autre question se pose : comment se fait-il, s’il s’agit d’un phénomène naturel, qu’il soit unique dans l’histoire c'est-à-dire que nous n’ayons retrouvé jusqu’ici aucun linceul ou tissu portant l’image du cadavre qu’il a contenu ? Mais y en a t’il eu d’autres qui ne nous sont pas parvenus ? Certaines caractéristiques spécifiques du mort ou du tissu l’expliquent-elles ?



CONCLUSION SUR LA FORMATION DE L'IMAGE :

Il est exact de dire que le suaire résiste encore aujourd'hui à la science.
Aucune des très nombreuses "théories" proposées pour expliquer l'image n'est acceptable à ce jour.

L’hypothèse de Rogers (la réaction de Maillard) est prometteuse car, se basant sur des processus et une chimie naturels, elle propose pour la première fois une explication rationnelle pour la formation de l’image.
Elle est capable d’expliquer les principales données de l’image au point de vue physico-chimique et en particulier la nature chimique de l'image, la superficialité voire la double-superficialité et l’aspect microscopique des fibres.

Ces données doivent être complétées par les expérimentations identiques à celle qui ont été menées sur le suaire : stabilité au feu et à l’eau, résistance aux solvant, décoloration par la diimide en laissant les fibres intactes, études spectroscopiques, fluorescences etc.

Mais surtout il faudrait démontrer, et cela ne sera pas facile, qu’une image produite par ce procédé possède les propriétés optiques et géométriques de l’image du suaire.






Sciences et Linceul - Le lin et le tissu


LE LIN ET LE TISSU 

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il importe d'avoir quelques notions de base sur l'objet lui-même dans sa matérialité : un tissu de lin.
Le lin est une plante cultivée depuis la nuit des temps, permettant, à partir de ses fibres, de fabriquer des fils (filage) qui seront ensuite tissés (tissage) sur un métier à tisser.

Les grands principes de la fabrication des tissus de lin ont été assez peu modifiés au cours du temps. Néanmoins certaines particularités peuvent permettre de rattacher le suaire à certaines périodes de l'histoire ou certaines régions du monde, ou à l'inverse d'exclure certaines hypothèses avec une bonne probabilité.
  
LA FABRICATION DU TISSU :

- Le lin est une plante dont la tige a environ 1 mètre de hauteur et 1à 2 mm.de diamètre.
Les tiges de lin sont arrachées quelques semaines après la floraison puis mises en botte.

Le rouissage : les bottes sont ensuite plongées dans une eau courante ou stagnante de façon à dissoudre le "ciment" de pectose qui unit les fibres en faisceaux et au bois de la tige.

- On procède ensuite au séchage puis à différentes opérations ayant pour but de séparer les fibres du bois et des impuretés : broyage, battage et raclage ou teillage.
A la fin de ces opérations on obtient puis on sépare les fibres longues (filasse) servant à la fabrication des tissus de qualité, des fibres courtes (étoupes) et d'autres fragments et déchets.

- La filasse subit ensuite un peignage qui permet de démêler et de paralléliser les fibres.

Le filage : c'est l'opération qui consiste, sur un fuseau, à unir les fibres entre elle en les tordant ensemble pour obtenir des fils utilisables pour le tissage.
La cohésion entre les fibres dans un fil est naturellement obtenue par l'adhésion entre elles de sortes d'écailles ambrées recouvrant les fibres.
Le mouvement de torsion habituel suivait la torsion spontanée des fibres et l'on obtenait une disposition en S.
Sur le suaire au contraire on observe la disposition inverse en Z, inhabituelle, traduisant probablement l'utilisation de 2 fuseaux.

Le blanchiment : il consiste à blanchir le lin pour le rendre plus clair, homogène et soyeux. On utilisait probablement pour cela différents types de solutions de trempage. Le blanchiment aboutissait à la disparition d’une partie de la lignine, composant sombre des fibres du lin.
Cette technique a varié au cours des âges.

Dans l'antiquité, selon Pline l'Ancien (Histoire Naturelle, Livre XIX), on utilisait des techniques de blanchiment "douces" sur les écheveaux (l’écheveau est le fil une fois enroulé) avant le tissage et chaque écheveau était blanchi séparément.
Au contraire, au Moyen-Age, les lins médiévaux étaient blanchis avec des méthodes plus "dures" et seulement après le tissage du tissu entier.
Ces considérations sont d'une grande importance dans l'étude du suaire, comme nous le verrons.

Le tissage : il consiste à fabriquer le tissu final en entrecroisant les fils sur un métier à tisser.
 

La technique consiste, dans son principe à attacher côte à côte des fils verticaux à un montant (les fils de chaîne), puis à faire passer perpendiculairement, c'est à dire horizontalement, les fils de trame entre les fils de chaîne.
Sur le suaire, chaque fil de trame passe au dessous d'un fil de chaîne puis au-dessus de 3 fils de chaîne et ainsi de suite (" 3 lie 1" est le terme technique).
Le fil de trame immédiatement au-dessous du précédent est décalé d'un fil de chaîne, et ceci 40 fois de suite, puis le sens est inversé.

LE LIN ET LE TISSU 



Avant d'entrer dans le vif du sujet, il importe d'avoir quelques notions de base sur l'objet lui-même dans sa matérialité : un tissu de lin.
Le lin est une plante cultivée depuis la nuit des temps, permettant, à partir de ses fibres, de fabriquer des fils (filage) qui seront ensuite tissés (tissage) sur un métier à tisser.

Les grands principes de la fabrication des tissus de lin ont été assez peu modifiés au cours du temps. Néanmoins certaines particularités peuvent permettre de rattacher le suaire à certaines périodes de l'histoire ou certaines régions du monde, ou à l'inverse d'exclure certaines hypothèses avec une bonne probabilité.
  
SOURCES :

 PLAN DE LA PAGE :
  1. Fabrication du tissu
  2. La structure du lin
  3. Expertises textiles
  4. Données récentes
  5. Conclusion




LA FABRICATION DU TISSU :

- Le lin est une plante dont la tige a environ 1 mètre de hauteur et 1à 2 mm.de diamètre.
Les tiges de lin sont arrachées quelques semaines après la floraison puis mises en botte.

Le rouissage : les bottes sont ensuite plongées dans une eau courante ou stagnante de façon à dissoudre le "ciment" de pectose qui unit les fibres en faisceaux et au bois de la tige. (Clic sur l'image pour détails)

 


- On procède ensuite au séchage puis à différentes opérations ayant pour but de séparer les fibres du bois et des impuretés : broyage, battage et raclage ou teillage.
A la fin de ces opérations on obtient puis on sépare les fibres longues (filasse) servant à la fabrication des tissus de qualité, des fibres courtes (étoupes) et d'autres fragments et déchets.

- La filasse subit ensuite un peignage qui permet de démêler et de paralléliser les fibres.

Le filage : c'est l'opération qui consiste, sur un fuseau, à unir les fibres entre elle en les tordant ensemble pour obtenir des fils utilisables pour le tissage.
La cohésion entre les fibres dans un fil est naturellement obtenue par l'adhésion entre elles de sortes d'écailles ambrées recouvrant les fibres.
Le mouvement de torsion habituel suivait la torsion spontanée des fibres et l'on obtenait une disposition en S.
Sur le suaire au contraire on observe la disposition inverse en Z, inhabituelle, traduisant probablement l'utilisation de 2 fuseaux.

Le blanchiment : il consiste à blanchir le lin pour le rendre plus clair, homogène et soyeux. On utilisait probablement pour cela différents types de solutions de trempage. Le blanchiment aboutissait à la disparition d’une partie de la lignine, composant sombre des fibres du lin.
Cette technique a varié au cours des âges.

Dans l'antiquité, selon Pline l'Ancien (Histoire Naturelle, Livre XIX), on utilisait des techniques de blanchiment "douces" sur les écheveaux (l’écheveau est le fil une fois enroulé) avant le tissage et chaque écheveau était blanchi séparément.
Au contraire, au Moyen-Age, les lins médiévaux étaient blanchis avec des méthodes plus "dures" et seulement après le tissage du tissu entier.
Ces considérations sont d'une grande importance dans l'étude du suaire, comme nous le verrons.

Le tissage : il consiste à fabriquer le tissu final en entrecroisant les fils sur un métier à tisser.

La technique consiste, dans son principe à attacher côte à côte des fils verticaux à un montant (les fils de chaîne), puis à faire passer perpendiculairement, c'est à dire horizontalement, les fils de trame entre les fils de chaîne.
Sur le suaire, chaque fil de trame passe au dessous d'un fil de chaîne puis au-dessus de 3 fils de chaîne et ainsi de suite (" 3 lie 1" est le terme technique).

Le fil de trame immédiatement au-dessous du précédent est décalé d'un fil de chaîne, et ceci 40 fois de suite, puis le sens est inversé.

 


Ceci donne l'aspect en chevron observé sur le suaire.

LA STRUCTURE DU LIN :

- Au niveau moléculaire, le constituant principal du lin est le glucose. Les molécules de glucose s'assemblent entre elles en longues chaînes pour former la cellulose, constituant de base des végétaux.
- La cellulose est le principal constituant de la paroi des fibres du lin avec d'autres composés jouant le rôle de ciment comme la lignine.
- Sur le suaire, une fibre fait en moyenne 22 mm de long et 15 microns de diamètre.
Vue au microscope une fibre ressemble à une tige de bambou dont le centre, ou médulla, est pauvre en matériel et apparaît incolore.

Le long de la fibre on peut voir des noeuds de croissance parfois noirci par la présence de lignine.

- Chaque fil est composé dans son diamètre de 10 à 15 fibres entrelacées au cours du filage et un fil de chaîne a un diamètre de 0,14 mm contre 0,25 mm pour un fil de trame. Pour 1 cm sur le suaire on compte 40 fils de chaîne et 27 fils de trame en moyenne.


LES EXPERTISES TEXTILES :

Pour bien comprendre la suite, il est recommandé d'aller voir la grande photo commentée dans la Galerie Photos

- Le suaire se présente comme un long rectangle de lin d'environ 4,36 m.de long sur 1,10 m. de largeur. Son épaisseur est de quelques millimètres seulement : il est décrit comme aussi fin et souple qu'un tee-shirt.
Il présentait, avant sa restauration de 2002, les particularités suivantes :
  1. Les traces de brûlures en rapport avec un incendie survenu en 1532 et de larges taches d'eau utilisée pour éteindre ce même incendie
  2. des patchs de tissu de lin cousus au suaire au niveau des trous provoqués par ces brûlures
  3. la "Toile de Hollande" : un tissu de lin recouvrant la totalité de la face arrière (la face sans image) du suaire et cousu à celui-ci en plusieurs endroits pour le protéger. Ce travail a été effectué en 1534 par les clarisses de Chambéry. La toile de Hollande et les patches fournissent ainsi un tissu de lin médiéval historiquement bien attesté qui permet une première comparaison avec le suaire.
  4. Deux des 4 coins du suaire sont manquant, découpés à une époque et dans un but indéterminés. Notons que la partie découpée en 1988 pour la datation au radiocarbone est à quelques centimètres d'un de ces coins.
  5. une couture latérale épaisse située à quelques centimètres d'un des bords sur toute sa longueur, du côté traditionnellement manipulé au cours des ostentations. Il apparaît qu'en fait cette couture n'aurait pas servi à solidariser 2 parties initialement séparées du suaire (la bordure et la partie principale) : l'analyse attentive des photos montre une continuité des fils de part et d'autre de cette couture. Le rôle de ce "tube" de fil est encore inconnu, peut-être pour rendre plus solide cette partie ou plus aisé le port du suaire au cours des ostentations manuelles.

Le tissage :

Les caractéristiques du tissage sont particulières : lin de haute qualité et très bien conservé, sergé de lin à chevrons " 3 lie 1" (3:1), torsion en Z, technique de blanchiment probablement ancienne, tissage extrêmement serré.
Le tissu porte aussi de nombreuses traces de réparations, coutures et autres rapiéçages plus ou moins visibles, témoins de son histoire mouvementée au cours des siècles.

Certains auteurs se sont demandés s'il était possible de tisser une telle pièce selon des techniques et avec des métiers à tisser du 1er siècle.
En réalité, des tissus de lin possédant des caractéristiques proches et parfois bien antérieures au 1er siècle sont connus. En particulier les linceuls associés aux momies de pharaons ou princes de l'Egypte ancienne : Séti 1er (1300 ans avant J.C, 1:3), la Reine Makeri (1100 ans avant J.C, 1:3 et 1:10) etc.

Les experts en textiles anciens qui ont étudié le suaire sont nombreux et la grande majorité considère que non seulement il n'existe aucune impossibilité historique à la fabrication du tissu au 1er siècle, mais bien plus encore, que les caractéristiques textiles de celui-ci orientent beaucoup plus vers une origine ancienne et moyen-orientale que médiévale et européenne.

Parmi ceux-ci, les plus connus et renommés sont : Gilbert Raes (directeur du laboratoire de technologie des textiles de l'université de Gand en Belgique) qui fut le premier, en 1973, à pouvoir étudier de près le tissu et analyser des échantillons, John Tyrer (directeur des recherches textiles à la Manchester Chamber of Commerce Testing House, Grande-Bretagne), Franco Testore (expert italien) et Gabriel Vial (Centre International d'Etudes des Textiles Anciens de Lyon) - ces deux derniers auteurs ont été les experts en textile lors de la datation au carbone 14 de 1988 - enfin Madame Flury-Lemberg, probablement un des meilleurs experts au monde dans l'étude et la restauration des tissus anciens, sur laquelle nous reviendrons.

D'autres données sont importantes à considérer :

- La comparaison entre le suaire et la toile de Hollande (et les patches), fabriqués dans les années 1530, montre des différences très significatives : les tissus médiévaux sont beaucoup plus légers, beaucoup plus effiacement blanchis et beaucoup plus réguliers que le suaire qui montre de nombreuses irrégularités et défauts de tissage.
Selon John Tyrer : " L'impression que j'en ai retiré est que le tissu [du suaire] est une fabrication beaucoup plus primitive et probablement plus ancienne que la toile de fond [toile de Hollande] et que les patches. Ceci, je pense, exclut le suaire du Moyen-Age bien plus que tout ce que j'ai vu jusqu'à présent sur le textile ".

- Le coton : Gilbert Raes procéda, en 1973, à la première expertise textile. Il fut autorisé à prélever 2 fils ainsi qu'un triangle de tissu de quelques centimètres formé de 2 parties contiguës de part et d'autre de la couture citée plus haut : la partie 1 dans la bande latérale et la partie 2 dans le corps principal du linceul. Il découvrit, en profondeur dans les fibres, des traces de coton de type Gossypium herbaceum (variété originaire du Moyen-Orient) mais uniquement dans la partie 2 et pas dans la partie 1.
Ce fait fut à l'origine d'une erreur, par généralisation à tout le suaire, de cette découverte de coton dans une partie de l'échantillon Raes : on lit encore trop souvent que le suaire contient du coton du Moyen-Orient ce qui prouverait son origine.
En réalité, il est amplement démontré maintenant que le reste du suaire ne contient que d'infimes quantités de coton en surface, résultant probablement d'un contamination moderne.
Comme nous le verrons ici, la découverte de cette inhomogénéité a une importance considérable concernant la validité de l'échantillon daté par radiocarbone.
Elle démontre aussi le danger de généraliser à tout le suaire à partir de considérations localisées : le suaire est un objet bien plus complexe qu'on ne le pensait.

- Une autre particularité est à noter : le suaire ne contient aucune trace de laine mélangé au lin comme on pourrait s'y attendre s'il avait été tissé en Europe au Moyen-Age.
En revanche ceci s'explique si le suaire a été tissé sur un métier à tisser n'ayant jamais servi (peu probable) ou bien si le tisserand était juif puisque la Loi interdit le mélange des textiles végétaux (lin) et animaux (laine).



LES DONNEES RECENTES :

Madame Flury-Lemberg, une des meilleures spécialistes mondiales des tissus anciens, occupe probablement la première place parmi les spécialistes du textile ayant pu étudier le suaire.
Elle enseigna longtemps l'histoire de l'art des textiles dans diverses universités allemandes avant de diriger le département des études textiles à la fondation Abbegg à Riggisberg en Suisse. Elle prit sa retraite en 1994. Elle fut honorée de plusieurs distinctions internationales.
Au cours de sa carrière, elle fut appeler à expertiser et à réparer elle-même plusieurs tissus anciens extrêmement précieux comme des vêtements ayant appartenu à Saint Antoine de Padoue (13 ème siècle) et Saint François d'Assise ou la Tunique de Trèves.

Elle eut à donner son avis concernant le site de prélèvement de l'échantillon découpé pour la datation au carbone 14, mais à cette époque elle était peu familière du suaire. Finalement, pour d'obscures raisons, elle fut écartée des opérations de prélèvement elles-mêmes au profit de 2 autres experts.

En 2000 et 2002, elle fut associée aux travaux controversés de restauration du suaire.
Cette restauration, menée dans le plus grand secret pour des raisons de sécurité (après les attentats de septembre 2001), consista principalement à retirer la toile de Hollande et les patches des zones brûlées en 1532, à retirer les particules et poussières carbonisées accumulées derrière ceux-ci et à coudre une nouvelle toile au dos du suaire en remplacement de la toile de Hollande. Tous ces éléments furent soigneusement conservés en vue d'éventuelles études ultérieures.
A cette occasion, elle put étudier des semaines durant le suaire et cette étude l'amena à la conclusion claire que : " le tissu de lin du suaire de Turin ne montre aucune technique de tissage ou de couture qui pourrait témoigner contre son origine, à savoir une fabrication de haute qualité produit par des tisserands du 1er siècle ".

Selon elle en effet, le suaire pourrait n'être qu’une partie d’un tissu beaucoup plus large, tissé sur un métier à tisser souvent utilisé dans l’antiquité, particulièrement en Egypte, et pouvant atteindre 3,50 m.
La pièce fut ensuite coupée en 3 parties : 2 larges et une bande étroite.

Le linceul actuel comprend, comme nous l'avons vu, une étroite bande cousue sur sa longueur et qui est, selon toute probabilité, du même tissu que le suaire.
La bande étroite aurait ainsi été jointe à une des pièces larges pour former le suaire actuel.
Sa fonction est encore discutée.
Notons cependant que cette théorie est contradictoire avec de précédentes observations des photographies aux rayons X qui montreraient qu'il y a continuité des fils de part et d'autre de cette "couture" qui n'en serait pas vraiment une. 

Mais sa découverte la plus importante c’est que la finition du tissu au niveau de l’ourlet ainsi que le type de couture et de piquage sont très spéciaux et ressemblent fortement à ce qui peut être observé sur des restes de textiles antiques, datés de 40 avant JC à 73 après JC, découverts dans la forteresse de Masada en Judée, où les derniers combattants juifs résistèrent à l’occupant romain en 73 après JC. Elle ne fut plus occupée par la suite.
Ce type de finition semble inconnu en Europe au Moyen-Age.

Pour Flury-Lemberg la ressemblance est si frappante qu’elle peut affirmer : « mon opinion est que le suaire n’est pas un faux médiéval. Les ressemblances que j’ai découvertes indiquent qu’il pourrait avoir existé au temps de Jésus et là où se trouve ce qui est maintenant Israël ».

CONCLUSION :

Nous avons maintenant les bases qui vont nous permettre d’aborder le dossier scientifique du suaire.
Nous retiendrons que pour la plupart des experts en tissus qui l’ont étudié, le suaire est d’un type très particulier mais qu’il ressemble beaucoup plus aux tissus orientaux antiques qu’à ceux qui étaient produits au Moyen-Age en Europe. Des indices semblent même indiquer une parenté étroite avec des méthodes de finition et de couture retrouvées en Palestine au 1er siècle de notre ère.
Les études textiles ne peuvent pas nous en dire beaucoup plus à ce jour.

Nous allons maintenant aborder le sujet de la datation au carbone 14 qui fit couler beaucoup d’encre.





Sciences et Linceul - Propriétés optiques


L'IMAGE (2) : PROPRIETES OPTIQUES ET GEOMETRIQUES

Nous avons vu précédemment certaines des caractéristiques de l'image au niveau des fibres et des fils: superficialité, monochromie, discontinuité.
L'image, dans sa globalité, présente des caractéristiques tout à fait étonnantes qui font du linceul de Turin un objet unique au monde.

PROPRIETES OPTIQUES :
1) L’image : un « négatif » :
Ce fut l'étonnante découverte de  Secundo Pia, en 1898, celle qui entraîna les premières études scientifiques du suaire.
En développant ses premières photographies du linceul il constata avec une immense surprise que le négatif photographique montrait une image extraordinairement plus réaliste et précise de l'homme du suaire que celle que l'on voit par observation directe du suaire.

En terme de photographie tout se passe comme si le négatif photographique était en réalité un « positif » et donc que l'image visible à l'oeil nu était un « négatif ».

Une photographie résulte de l'impression de l'émulsion chimique de la plaque photographique par les photons renvoyés par le sujet éclairé et concentrés par la lentille de l’optique. En fonction de la quantité de photons reçue en chaque point, le point considéré sera plus ou moins clair sur une échelle de gris. Le négatif consiste simplement à inverser les valeurs des points sur cette échelle de gris : le blanc devient noir et réciproquement avec tous les intermédiaires.

 En positif comme en négatif, aucune information autre que celles qui sont « contenues » dans le sujet n'est rajoutée : le fait que l'image se comporte comme un négatif photographique est donc une propriété intrinsèque de celle-ci et non pas un "artifice" du à la technique photographique.

Pouvons nous en déduire que l’image est un véritable négatif photographique ?
En aucune manière. Certains ont émis l’hypothèse que, puisque l’image ressemblait autant à un négatif photographique, elle devait en être un, le tissu du suaire étant une véritable plaque photographique : c’est la théorie de la proto-photographie d’Allen que nous verrons dans le chapitre sur la formation de l'image. 

Si l’image du suaire possède certaines propriétés d’un négatif photographique elle ne les possède pas toutes.
En particulier l’absence de direction de la lumière qui aurait éclairé le sujet reproduit sur le suaire et le codage d’informations 3D dans l’image du suaire (voir plus loin), sont inconnus dans la photographie classique.

2) L'image est isotrope :

Les recherches par informatique sur des photos du suaire ont montré l’absence de toute directionnalité dans l’image.
Toute peinture directe se fait selon un mouvement préférentiel aisément reconnaissable par les techniques modernes sur la peinture elle-même. Rien de tel n’est observé sur le linceul, ce qui est un argument majeur contre la théorie de la peinture directe.

3) La haute résolution :

Sur la photo en négatif du suaire certains détails de l’image sont visibles et extrêmement précis comme nous l’avons vu, alors que sur l’image directe, en positif, ils sont à peine décelables. Rappelons que chacun de ces détails est réellement présent sur l’image et non pas un artéfact.
En terme de photographie, on parle de haute résolution de l’image.
Les traces de la flagellation en sont un bon exemple.

La haute résolution a des implications majeures concernant le mécanisme de formation de l’image et pose des problèmes considérables que nous reverrons dans ce chapitre.

4) L’absence de saturation :

L’examen par les techniques d’imagerie moderne a montré l’absence de « plateau de saturation » de l’image.
Ce terme peut s’expliquer plus simplement, par analogie à une photographie, en disant que aucun point de l’image n’apparaît sur ou sous-exposé.
La « sur-exposition » entraînerait un « brouillage » de l’image et une perte de résolution, la sous-exposition rendrait l’image indiscernable.
Le phénomène à l’origine de la formation de l’image doit donc être ni trop intense (et/ou prolongé), ni trop faible, pour permettre d’aboutir à l’image de la qualité qui est observée.

5) Non distorsion :

Il s’agit d’une des propriétés les plus importantes de l’image, qui contribue à son aspect si réaliste.
Aucune partie du corps n’est déformée en elle-même et par rapport aux autres.

Cela ne peut s’expliquer que si, ce qui est représenté sur le linceul en 2 dimensions, est l’image d’un homme dont les proportions de chacune des parties respecte les règles de la projection orthogonale sur un plan, comme sur une peinture réaliste moderne ou une photo.

Ceci a une première implication majeure : l’image ne peut pas avoir été faite uniquement par contact étroit avec une surface en relief (comme un bas-relief) car, comme l’on montrés clairement tous les essais en ce sens, on obtiendrait une distorsion évidente dans les zones au relief accentué comme le visage. Ceci n’implique pas que le linceul n’est pas été en contact avec certaines zones du corps ou de l’objet à l’origine de l’impression.

6) Absence de contour :

L’observation fine du suaire, en négatif comme en positif, montre l’absence de contour de l’image : les bords de l’image s’estompent progressivement, sans limite nette visible.
C’est encore une propriété unique jamais retrouvée dans les peintures ou les photographies.

LA TRI-DIMENSIONNALITE :

C’est probablement la propriété la plus connue et la plus étrange de l’image du suaire.

La constatation est la suivante : il existe une relation étroite entre l’intensité de la coloration de l’image en chaque point de celle-ci et la distance entre le suaire et le corps (supposé) en ce point.

Cette propriété était soupçonnée depuis longtemps en raison de l’étrange effet de relief observable sur le négatif photographique du suaire, en particulier au niveau du visage.

C’est en 1976 que Jumper et Jackson démontrèrent sans ambiguïté cette propriété grâce au fameux analyseur VP-8.
Cet appareil calcule une « élévation » d’une zone d’une image en fonction du caractère plus ou moins clair ou foncé de cette zone. En soi, il n’indique rien de la « hauteur » réelle de la zone en question sur le sujet photographié : une zone claire de n’importe quelle photographie apparaîtra en hauteur, même si elle est dans un creux sur le sujet photographié.

L’image obtenue par le VP-8, d’abord sur le visage puis sur le corps entier de l’homme du suaire, donne un « vrai » relief de corps humain en 3 dimensions avec très peu de distorsion (due aux limites de la technique, au « bruit de fond » du suaire, aux taches, aux plis etc.).
Ce résultat a ensuite été amplement confirmé par d’autres techniques de traitement d’image.

Comme pour le « négatif », la tri-dimensionnalité est nécessairement une propriété intrinsèque de l’image du suaire, c’est-à-dire que l’information tridimensionnelle est codée dans une structure en 2 dimensions (l’image plate sur le linceul).
Cette propriété est unique au suaire : de nombreuses analyses de même type ont été effectuées sur toutes sortes de photos, peintures etc. aboutissant toujours à des déformations plus ou moins importantes du relief obtenu.

La conclusion s’impose :

- le corps (ou l’objet en relief en forme de corps) est lui-même la source de l’image du suaire.
- la coloration de l’image en chaque point est fonction de la distance qui sépare le corps du linceul en ce point. On explique ainsi le dégradé qui va des zones de contact (coloration maximale) aux zones les plus claires, sans contour. On a pu calculer que la distance maximale corps/suaire donnant une coloration aux fibres est d’environ 4 cms

APPORTS DES TECHNIQUES DE L’ART ANATOMIQUE :

Il a été souvent noté par les partisans de la thèse de la peinture un certains nombres d’ « erreurs » de proportions entre les différentes parties de l’anatomie du corps qui prouveraient le « faux » : par exemple les bras trop longs, la tête trop petite, les jambes trop courtes.
Dans l’hypothèse où le linceul aurait contenu un corps comme source de l’image il a été démontré qu’au contraire ces « anomalies » s’expliquent parfaitement par les lois de la projection, mais sous certaines conditions de position du corps par rapport au suaire.


Si, comme on le croit souvent, le corps est allongé complètement à plat, alors ces anomalies sont réelles et donnent raison aux partisans du « faux ».
En revanche si le tronc et la tête sont surélevés par un plan incliné, les avant-bras, parallèles à la surface du linceul, sont projetés entièrement dans toute leur longueur (alors que le tronc forme un angle avec cette surface) et paraissent plus longs que ne le voudrait la longueur du tronc.
Les images 3D du VP-8 ont montré que les genoux semblent « sortir » vers l’avant ce qui traduit une flexion. Dès lors la projection des membres inférieurs sur l’une et l’autre des faces du suaire donne l’impression de jambes trop courtes
En résumé, l’expertise en art anatomique nous indique que l’image du suaire semble se présenter comme le résultat d’une véritable étude anatomique (précise, détaillée et physiologiquement juste) d’un homme nu réel, qui aurait été « reproduit » de face (et de dos) par projection sur une surface plane. Si l’homme du suaire a été peint, il l’a été suivant les lois de la perspective et de l’art anatomique, sans erreur.
DISCUSSION :


L’image du suaire est donc bien un négatif dont le type le plus proche est le négatif photographique, bien qu’elle n’en possède pas toutes les propriétés.
La notion de négatif n’était pas inconnue avant la photographie, mais elle avait un sens très différent, fonction des technologies disponibles.

Comment un artiste du Moyen-Age aurait-il pu produire un tel résultat c'est-à-dire une image qui soit à la fois:

- en négatif, ressemblant à un négatif photographique (un réalisme, des détails, une netteté bien plus importants en inversant les couleurs sur l’échelle de gris)
- sans distorsion
- isotrope : sans direction privilégiée
- à haute résolution
- comportant les informations tri-dimensionnelles sans distorsion
- et ayant toutes les caractéristiques d’une image projetée verticalement sur le plan du suaire en respectant les lois de la projection et de la perspective.

Supposons que l’image soit une peinture directe c'est-à-dire que l’artiste ait peint directement sur le linceul, il faudrait alors :

1) qu’il est peint avec comme modèle directement visible sous ses yeux un vrai corps de crucifié.
L’anatomie, les connaissances en physiologie de l’époque rendent impossible toute autre solution.
La position de l’artiste par rapport au corps et diverses autres contraintes techniques et pratiques rendent cette réalisation extrêmement difficile, voire impossible, même de nos jours.

2) que cet homme nu, ait été crucifié et soit représenté d’une façon différente de tous les canons des représentations du Christ en croix de l’époque (les clous dans le poignet plutôt que dans les paumes par exemple). Les techniques romaines de crucifixion étaient oubliées depuis longtemps au Moyen-Age. Certains ont avancé l’idée que les arabes, à l’époque des croisades pratiquaient encore la crucifixion et que des croisés ont pu en retenir la technique. Il n’en reste pas moins qu’il aurait alors fallu procéder à une vraie crucifixion d’un homme vivant puisque, les écoulements de sang le prouvent, il n’a pas pu être crucifié après sa mort.

3) qu’il ait peint volontairement en « négatif » (mais sans savoir qu’il s’agirait de ce que l’on appellerait des siècles plus tard un négatif), c'est-à-dire en inversant volontairement les valeurs sur l’échelle des gris. Etait-ce pour donner un aspect plus « fantomatique » à son œuvre ?
Mais dans ce cas pourquoi cette profusion de détails si précis, si nets (quand on les voit sur le négatif photographique) si c’était pour les estomper ?

4) qu’il ait peint en « cachant » dans son œuvre une information tri-dimensionnelle si précise qu’elle a pu permettre au 20ème siècle de reconstituer avec précision et sans distorsion importante le relief de l’homme qui lui aurait servi de modèle.

5) qu’il ait pu reproduire ce qu’il voyait sans faire intervenir la lumière puisque les effets observés de « relief » ne sont pas créés, comme pour toute peinture, par des effets d’ombre et de lumière.

6) qu’il ait peint, même en ayant le sujet sous les yeux, en connaissant les techniques de la perspective et de la projection tant les mesures des différents segments correspondent avec précision à ces lois. Or ces techniques ne seront introduites qu’au 15ème siècle par Pierro della Francesca et Albrecht Durer.

7) qu’il ait réussi à faire disparaître volontairement toute directionnalité dans sa peinture.

Chacune de ces conditions est en elle-même très difficile à accepter. L’ensemble de ces conditions rend la théorie de la peinture inimaginable.

De plus des arguments tirés de l’histoire de l’art la rende encore plus improbable :
toute œuvre peut être intégrée dans un style, une école ou une époque.
Or le suaire est strictement unique en son genre : aucune œuvre ressemblant de près ou de loin à ce que l’on voit sur le suaire n’est connue dans l’histoire. Personne à ce jour n’a pu en montrer une seule.
En supposant alors qu’il s’agisse de l’œuvre unique d’un génie la question se pose de savoir pourquoi, étant si étonnante et extraordinaire par bien des aspects, elle n’a pas donné lieu à d’autres œuvres du même type ; les multiples reproductions du suaire qui apparaîtront plus tard sont très différentes de l’original et très facilement reconnaissables.

Si, comme l’affirment certains « sceptiques », l’image du suaire a été créée pour remplir les caisses de ses propriétaires dans le contexte des reliques au Moyen-Age, pourquoi l’artiste se serait-il cantonné à une œuvre unique ?
En bref, selon l’histoire de l’art aussi il s’agit bien d’un cas absolument unique.


CONCLUSION :

Les propriétés optiques et géométriques de l’image du suaire sont étonnantes et très particulières.
Elles sont définitivement impossibles à reproduire au moyen d’une peinture directe sur le tissu.
Elles font de cet objet un cas unique dans l’histoire.
Cependant de nombreuses personnes ont tenté de reproduire ces propriétés en faisant appel à d’autres techniques que la peinture directe.
Dans le chapitre sur la formation de l'image nous étudierons certaines de ces tentatives.

Mais auparavant nous allons nous intéresser à la question des taches de sang.




Sciences et Linceul - Apport de la numismatique

http://cielt.pagesperso-orange.fr/histoire/france/f_histoire.htm
APPORT DE LA NUMISMATIQUE A L'HISTOIRE DU SAINT SUAIRE ET DU LINCEUL DE TURIN
INTRODUCTION
               Lors du symposium de Paris en 1989, les professeurs Giovanni Tamburelli et Nello Ballocino ont démontré la relation directe qu'il y avait entre la Sainte Face du Linceul et les traits du Christ des icônes byzantines selon les critères artistiques utilisés depuis le VIè s. par les différents ateliers iconographiques.
               On estime avec beaucoup de raisons que ces normes sont issues de l'observation directe du Mandylion d'Edesse redécouvert vers l'an 525, et qui en réalité serait le Linceul de Turin.
                 Une recherche numismatique relativement exhaustive de toutes les pièces émises dans l'empire byzantin depuis l'empereur Arcadius (383), jusqu'à l'empereur Johannes VIII (1428), montre que la présence d'un buste de Christ nimbé et barbu sur certaines pièces de monnaies byzantines signifie qu'il y a un rapport avec l'histoire du Mandylion-Linceul dépassant l'influence du style propre aux icônes.
              Nous avons utilisé l'ouvrage de Rodolfo Ratto: "Monnaies byzantines " édité en 1930. Réédité à plusieurs reprises cet ouvrage est devenu une référence numismatique internationalement reconnue pour l'identification des monnaies byzantines soumises à expertise pour la vente. De plus, il est relativement facile à se procurer (ce qui n'est pas le cas du Morisson "Catalogue de Monnaies byzantines de la bibliothèque nationale de France", édité en 1970, et épuisé, ou du catalogue de monnaies byzantines du British Muséum).
               Rodolfo Ratto a effectué une très sérieuse expertise de 2254 pièces byzantines différentes, couvrant tous les règnes et complétant même des lacunes contenues dans les 3 ouvrages de référence utilisés pour son expertise.

Notre étude a consisté à examiner:
  • Les symboles chrétiens et leur évolution de l'an 383 à 1428.
  • La fréquence et la position sur la pièce (avers et revers) des bustes de Christ nimbés.


Rappel de l'histoire byzantine sous l'angle numismatique

               L'empire de Byzance est l'héritier de l'empire romain d'Occident. L'empereur Constantin qui régna de l'an 306 à 337 jeta les bases de l'empire byzantin. Si l'on admet communément que l'empereur Anastase 1er, qui monta sur le trône le 11 Avril 491, fut le 1er empereur de Byzance, il faut bien reconnaître qu'il est difficile de donner uns date de démarcation entre l'empire romain et l'empire byzantin.
               Sept grandes dynasties régnèrent sur cet empire:
  1. 518  à  610 : la dynastie de Justinien
  2. 610  à  717 : la dysnatie d' Héraclius
  3. 717  à  820 : la dynastie syrienne de Léon III  (*)
  4. 820  à  867 : la dynastie d'Amorium à partir de Michel II  (*)
  5. 867  à  1057 : la dynastie Macédonienne (à partir de Basilius 1er).
  6. 1080  à  1204 : la dynastie de Commène
  7. 1261  à  1453 : la dynastie des Paléologue     
                                                                                                                                            (*)Empereurs iconoclastes

         Parmi toutes les vicissitudes que connu cet empire (coups d'état, insurrections, révolutions de palais, renversements de Dynasties, etc...) deux évènements importants peuvent être relevés:
                   - la période iconoclaste (de 717 à 843)
                   - la période latine de l'empire (1204 - 1261).
         Le système monétaire byzantin est d'une grande complexité. Il suffit cependant de savoir que les monnaies d'or, puis d'argent portèrent toujours sur l'avers l'empereur régnant, avec parfois les membres de sa famille (femme, fils…), et sur le revers des symboles religieux chrétiens (Croix, Christ, Vierge et Saints, etc...).
         De 491 à 1453, environ 95 personnages figurent sur les monnaies.
         La frappe des monnaies était le monopole d'état. Celle-ci était effectuée dans des ateliers répandus dans l'empire (Constantinople, Carthage, Ravenne, etc...). Chaque atelier frappant le même type de pièce apportait parfois quelques petites variantes dans le style ou sur les lettres portées, permettant d'identifier le lieu de frappe.
         La matière des pièces comprend: l'or, l'argent, le bronze, le cuivre, le billon, etc...
         Ce fut l'empereur Constantin 1er qui institua le SOLIDUS, le SÉMISSIS, et le TRÉMISSIS (=1/3 de Solidus), toutes étant en or.
         L'empereur Basilius 1er (867-886) supprima les émissions de Sémissis et Trémissis par suite de l'appauvrissement du trésor impérial.
         L'empereur Nicéphore III (963-969), créa l'HISTAMÉNON NOMISMA (sorte de Solidus dévalué à flanc large) et le TETARTERO NOMISMA.
         Sous l'empereur Constantin IX (1042-1055) l'Histaménon devint le SCYPHATE (pièce concave).
         L'affaiblissement de l'empire et de ses finances s'accentuant, il en fut se même pour le titre de l'or de ces monnaies qui finit par être totalement remplacé par l'argent: le monnayage d'or ne contiendra plus que 20% de métal précieux, et celui d'argent 80%.
         L'empereur Alexis 1er en 1092 sera amené à créer un nouveau Solidus: l' HYPERPÈRE, titrant 20 carats, ainsi que diverses monnaies en cuivre, billon, électrum. Mais après de multiples dévaluations, l'Hyperpère finira par ne titrer que 10 carats.

    Nous avons découpé notre étude numismatique en deux périodes:
    383 à 944: elle couvre la découverte du Mandylion d'Édesse, la période iconoclaste.
    de 944 à 1453: elle couvre la période byzantine du Linceul à Constantinople, sa disparition en 1204, et sa réapparition en France.


I - ÉVOLUTION DES REPRÉSENTATIONS CHRÉTIENNES PORTÉES
SUR LES MONNAIES BYZANTINES AU COURS DE LA PÉRIODE 383-944

1- Période 383-527 (de l'empereur Arcadius à Justinus 1er Thrax).

               Sous le règne de l'empereur Arcadius les monnaies nobles portent des allégories telles que "Victoire" ou "Constantinople".
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               Dès le règne de son successeur, des symboles chrétiens sont ajoutés aux allégories (Croix, monogrammes du Christ, globe crucigère). Puis quelques rares Croix vinrent orner le revers des pièces. Au cours des règnes suivants, les symboles chrétiens deviennent nombreux et importants, aux dépens même des représentations allégoriques. Par exemple, sous l'empereur Macianius (450-457) la victoire tient une longue croix, qui sera surmontée du monogramme du Christ sous l'empereur Anastasius (491-518), en rappel du Labarum que l'empereur Constantin pris comme enseigne des légions (après le victoire de PONT MILVIUS en Octobre 312 sur Maxence, et ayant pour devise "in hoc signo vinces" - par ce signe tu vaincras-).
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               A partir de cette époque, toutes les monnaies en or (solidus, sémissis et trémissis) ainsi que presque toutes les monnaies de moindre valeur (demi-silique, demi-follis, penta, deka, nummi) se trouvent porteurs de symboles chrétiens.

2- Période 527 - 685 (de l'empereur Justinianus 1er à Constantinus IV)

               On remarque que, pour la première fois, sous Justinianus 1er, l'empereur se fait présenter sur l'avers des pièces avec les attributs symboliques de l'empereur chrétien (Croix et globe crucigère).
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               Sous le règne de Tibérius Constantinus (de 578 à 582) apparaît une croix sur degré au revers. Désormais, toutes les représentations allégoriques païennes sont abolies et toutes les pièces d'une certaine valeur portent sur les 2 faces un ou plusieurs symboles chrétiens (1) globe crucigère, croix sur degré, monogramme, longue croix, etc...), et au moins sur une face pour les petites monnaies.
1) Au VII siècle, l'empreinte religieuse devient plus profonde: à partir de l'an 627, l'empereur se fait appeler "Basileus, fidèle en Dieu".

3- Période de 685 - 944 (de l'empereur Justinianus II à Romanus 1er).

Règne de Justinianus II:
               En 692 l'empereur convoque un Concile complémentaire au 6e Concile œcuménique de Constantinople (680 - 681) provoqué par la question de la doctrine du monothélisme.
               La condamnation du monothélisme, qui était admis dans une grande partie de l'empire, provoqua des remous importants, et ce Concile de 692 était orienté sur les problèmes dogmatiques.
               Parmi les canons disciplinaires qui furent promulgués, il est intéressant de prendre connaissance du CANON 82 parce qu'il explique l'essor des icônes du Christ et aussi les frappes de pièces de monnaies portant l'effigie du Christ... et secondairement la réaction des iconoclastes:




"nous décidons que dorénavant sur les icônes, à la place de l'ancien Agneau, seront peints les traits humains du Christ qui a pris sur lui les péchés du monde".
               S'ensuit la frappe d'une pièce ( référence Ratto 1685) d'un buste du Christ, cheveux courts et bouclés, avec collier de barbe, type du "CHRIST EMMANUEL" posé "au droit" , c'est-à-dire sur l'Avers (face maîtresse), l'empereur passant au Revers avec l'inscription:
"IHS-CRISTUS- REX- REGNANTIUM"
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               Puis, une 2ième pièce est frappée, mais portant une tête de Christ à la manière des icônes : avec barbe bi-pointe, cheveux longs, et double mèche de cheveux sur le front.
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               En 717, à la suite d'un nouveau renversement du trône, le syrien Léo III prend le pouvoir et impose les normes iconoclastes (1). On détruisit toutes les œuvres artistiques pouvant représenter l'effigie du Christ ou de la Divinité. Durant l'apogée de cette période (726-843) les pièces ne porteront comme symbole chrétien que celui de la Croix.
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1) Un édit promulgué en 726 proscrit définitivement le culte rendu aux images saintes comme non conforme à la véritable tradition chrétienne.
               Le culte des images saintes fut rétabli par l'empereur Michael III (842- 867) en 851, et aussitôt sera émis un solidus d'or portant un buste de Christ Byzantin (référence Ratto 1844) identique à celui frappé sous le 1er règne de Justinianus II, comme pour bien marquer la fin de la période iconoclaste, et son accord avec les décisions de son prédécesseur.
               La caractéristique de cette période s'étendant de 685 à 944 réside dans le fait que pour la 1ere fois, le buste du Christ a été porté sur 8 pièces couvrant 23 règnes. Ces frappes sont des exceptions par les modèles habituellement utilisés et sont sûrement influencés par le CANON 82 du Concile de 692, lequel est certainement la conséquence indirecte de la découverte du Mandylion à Édesse vers 525.



II - ÉVOLUTION DES SYMBOLES CHRÉTIENS SUR LES MONNAIES
BYZANTINES DE 944 À LA CHUTE DE L'EMPIRE EN 1453.


Période de 915 jusqu'en 1204 (de l'empereur Constantinus VII à la prise du pouvoir par les Croisés).

               Dès le début du règne de Constantinus VII (945-969) notre attention est attirée par le fait nouveau que tous les solidus en or, émis à partir de 945, portent sur le revers un Christ nimbé et barbu à la manière des icônes avec les deux mèches de cheveux sur le front. Cet événement numismatique continua jusqu'en 1204 à travers les règnes de 13 empereurs.
               Johannès 1er (969-976) ira jusqu'à émettre des follis et demi-follis sur lesquels l'effigie du Christ remplacera celle de l'empereur (réf..Ratto 1920 à 1936).
               A partir de Romanus III (1028-1034), commencent à apparaître sur quelques pièces des Christ nimbés assis sur un trône (réf. Ratto 1972-1973).
               Au moment de la chute de Constantinople en 1204, toutes les pièces porteront sur l'une des deux faces le Christ, soit en buste nimbé, soit assis sur un trône. Sur les quelques rares exceptions , nous retrouvons alors la Vierge Marie, ou bien Saint Démétrius, Saint Michel, Saint Constantin, ou bien Saint Nicolas (1).
1)Tous ces Saints sont des Saints "guerriers" très populaires dans l'empire affaibli, et invoqués contre le péril sarrasin.
               Cette rupture de style sur les monnaies byzantines, effectuée à partir de 945, s'explique par le fait que le Mandylion-Linceul du Christ est arrivé en grande pompe à Constantinople le 15 Août 944. Il avait été repris aux musulmans, après plus d'un an de siège de la ville d'Édesse tombée entre leurs mains de puis 639.
               Dans les deux cents ans (945-1143) qui suivirent l'arrivée du Linceul à Constantinople, la presque totalité des pièces frappées (c'est-à-dire 172 sur 187 pièces référencées par Ratto) portent l'effigie du Christ byzantin, c'est-à-dire la totalité des pièces en or ou en argent, et une très grande partie des autres monnaies.
               De 945 à 1201, sur 318 émission de pièces de monnaies, 236 portent l'effigie du buste du Christ nimbé.


Période de 1204 à 1453 (de la prise de Constantinople par les Croisés à la chute de l'empire).

               Du fait de l'occupation de l'empire par les Croisés jusqu'en 1261, aucune pièce ne fut émise sauf dans les régions de Téssalonique et de Nicée qui ne sont pas tombées sous l'influence des Croisés.
               Au rétablissement de l'empire par Michael VIII, et durant les 130 années qui suivirent, nous ne trouvons aucune frappe de pièces portant le buste du Christ.
               Sous Manuel II (1391-1423), on découvre avec surprise que toutes les pièces frappées portent à nouveau le Christ byzantin (réf. Ratto 2247 à 2269), comme de 945 à 1204, et cela jusqu'à la chute définitive de l'empire.
               Manuel II était un homme raffiné, cultivé et fort lettré. Fin politique, il suit les évènements des Cours des royaumes d'Europe occidentale car il a besoin d'aide financière et militaire pour desserrer l'étreinte des troupes du sultan Bazajet, qui avait considérablement réduit les dimensions de l'empire. Vers 1390, il avait envoyé son oncle Théodore Cantacuzène pour un long séjour en France, afin de solliciter du roi Charles VI des secours militaires: les troupes françaises , renforcées de soldats des républiques de Gênes et de Venise, menèrent une campagne victorieuse sous le commandement du Maréchal français Jean Le Meingre de Boucicaut.
               Pour remercier le roi Charles VI, à qui il décerna le titre de "protecteur et restaurateur de l'empire d'Orient", mais aussi pour solliciter de nouveaux secours, l'empereur Manuel II vint en France en 1400 pour un long séjour de près de 2 années.
               Que se passait-il en France durant cette époque ? Le Linceul de Turin n'avait été exposé à Lirey que 2 fois: en 1356 et 1389.
               La première ostension de 1356 dura une année attirant de nombreux pèlerins. Elle provoqua la réaction de l'évêque du lieu, Henri de Poitiers, qui convoqua une commission de théologiens et de prud'hommes. Déconcertés par les images du Linceul, ils crurent y voir une peinture !… L'ostension fut donc interdite.
               La deuxième ostension se déroula 33 ans plus tard, en 1389. L'évêque de Troyes, Pierre d'Arcis, intervint énergiquement pour en interdire la vénération. Dès ce moment, le Linceul va devenir le centre d'une polémique. La veuve de Geoffroi de Charny s'était remariée avec le comte Aymon de Genève, cousin du pape d'Avignon Clément VII. Bénéficiant aussi de relations auprès du roi, il fut facile, pour la famille propriétaire du Linceul, d'obtenir l'autorisation de poursuivre l'ostension, tant du coté ecclésiastique que du coté royal.
               Mais l'évêque, Pierre d'Arcis, ne s'avoue pas vaincu. IL inventa l'existence d'un peintre "faussaire" qui aurait fabriqué l'image de la relique. Il sollicita alors un nouveau jugement de Clément VII, tout en usant de son influence politique auprès du parlement de Paris. Une lettre, en date du 4 août 1389, ordonna la saisie du Linceul, par le Bailly de Troyes. Clément VII, pour sortir de cette situation épineuse, sans avoir à se dédire, ni désavouer l'évêque de Troyes, "coupa la poire en deux": une bulle du 6 janvier 1390 autorisait les ostension, à condition que l'on avertissait les fidèles qu'ils étaient en présence d'une toile peinte.
               La polémique était donc très vive sur le Linceul, et c'est à ce moment-là, qu'arrivait en France, l'oncle de l'empereur, comme émissaire. Cette situation intérieure n'a pu donc lui échapper, attentif qu'il était aux influences intérieures françaises pour gagner le roi à la défense de l'empire d'Orient.
               L'empereur Théodore Cantacuzène, lors de son séjour, a donc reconnu, en la relique de Lirey, le Linceul vénéré à Constantinople, qui avait disparu lors de la prise de la ville par les Croisés (l'empereur élu, Beaudoin 1er Comte de Flandres, était du parti des Croisés français).
               Les pièces émises au Moyen Orient par les Croisés (ref. Ratto 2493 à 2501): elle porte, par exemple, sur l'avers l'effigie du roi de Jérusalem, et au Revers une Croix latine ou fleur-de-lisée. Mais si nous regardons celles émises au Comté d'Édesse (1098 à 1144), nous avons la surprise de constater que les pièces sont frappées à l'effigie du buste du Christ byzantin sur l'avers et porte au revers une grande croix ornée. Ainsi, à Édesse, le souvenir du Linceul était resté très présent, alors qu'il avait quitté la ville au siècle précédent pour Constantinople.


Sciences et Linceul - Synthèse/Conclusion


CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES
TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES
DU LINCEUL de TURIN
RÉSUMÉ
           Depuis que l'italien Secundo Pia a découvert la stupéfiante propriété du Linceul de Turin (négatif dont l'inversion photographique fourni l'objet réel), un grand nombre d'observations et de mesures ont été faites, la plupart du temps sous contrôle strict d'experts, voir d'huissiers.
          Ce tissu été observé méticuleusement par de nombreux experts, à la loupe, à la binoculaire, au microscope, ses fils mesurés et leurs fibrilles comptées, l'impression de l'image analysée, toutes les tâches diagnostiquées, les poussières et autres pollens cachés dans les chevrons extraits et identifiés… avec plus ou moins de bonheur, dépendant des chercheurs et des disciplines scientifiques concernées. Un résumé synoptique est proposé ci-après.

               1)   Caractéristiques textiles :

          C'est une pièce de tissu de 4, 36 m de long et 1,10 m de large, En réalité, il est constitué d'une pièce maîtresse de 1, 02 mètres et d'une bande longitudinale de 8cm, recousue après en avoir été détachée (elle a dû servir de bandelette pour lier le drap ou le corps défunt ou les deux).
          L'étoffe très fine est doublée d'une toile-support plus rigide, à laquelle elle est maintenue par des points. D'où la difficulté à connaître sa densité moyenne exacte. L'interpolation/extrapolation des pesées de petits échantillons, nombre et épaisseur des fils, absorption de RX, fournit un chiffre moyen de 23,4 mg/cm2.
          Elle réfléchit la lumière autour de 0,6 m (couleur jaune paille), avec des ombres peu contrastées (10 % maximum) laissant apparaître la silhouette développée antéro-postérieure d'un homme nu. C'est un négatif monochrome, excepté les blessures qui apparaissent faiblement rosées, et le sang qui est positif et plus noir.
          Les fils de lin, d'une souplesse et jeunesse remarquable, sont peu réguliers (150 à 600 m), à torsade Z (inhabituelle). Ils sont tissés en chevrons (3 lie 1),qui, en plus de l'enjolivement (typiquement masculin) confère une grande résistance à l'étoffe, La présence de quelques fibres de coton, signalée par le Professeur Raes doit être considérée comme une contamination.
          Ray Rogers pense que le lin été blanchi après tissage, signe d'antiquité (les fils recouverts sont restés écrus).

               2)   Caractéristiques médicales :

          L'observation attentive montre que le corps a subi tous les sévices décrits dans les Évangiles: sueur de sang, couronne d'épines, flagellation, portement de croix, enclouage des mains et des pieds, le percement du cœur, l'écoulement de sang et d'eau, sont d'un réalisme saisissant et d'une "vérité" médicale inexplicable. Par exemple, l'enclouage des mains apparaît au niveau des poignets, seuls endroits capables d'assurer la cruxifiction.

              3)   Optique physique et Imagerie numérique :

          Plusieurs milliers de photographies sur plaques mais surtout sur films ont été prises ces 20 dernières années, à toutes échelles (macro et micro), et sous diverses sources, allant des rayons X aux InfraRouges, en passant par les ultraviolets, et bien sûr les lumières blanches de nature et d'intensités diverses. En incidences directes ou transmises.
          Ces clichés ont souvent été accompagnés de mesures quantitatives:
               -    Radiographie et Absorption X pour évaluer la densité surfacique et la surcharge des fils (pour déceler toutes traces de peinture, de pigments, etc..
                    -    Spectres de fluorescence ( X et Ultra violette) pour déterminer la nature chimique des imprégnations (sang, lymphe, oxydations).
               -    Spectres de réflectance (infrarouge) pour cartographier et évaluer l'origine des roussissures,
               -    Macrophotographie des zones imprégnées de sang et d'humeurs diverses,
          Ainsi le STURP américain, dès 1978, et depuis, de nombreux chercheurs, ont montré que l'image n'était ni une peinture, ni un ouvrage fait à la main, mais provoquée par une roussissure (oxydation acide) superficielle des fibres de cellulose constituant Ies fils de lin. Cette roussissure présente un contraste faible et constant avec l'étoffe. Seule la densité spatiale des points roussis varie, assurant les variations de teintes de l'image binaire, d'où sa remarquable stabilité malgré le temps et les avatars subis (incendie, ostensions, fumées de cierges, encens, eau bénite etc…). De plus, le STURP a montré que l'image était tridimensionnelle et en a réalisé une reconstitutionnumérique tout à fait probante.
          Signalons également, à titre d'information, la confirmation, par l'Institut d'Optique Théorique et Appliquée d'Orsay, de la présence sur le tissu, autour du visage, de paléo écritures, onciales de type épigraphique, et qui sont des indices supplémentaires de l'antiquité de la relique.

               4)   Radio-isotopes, et Datation :

          La revue Nature du 16 Février 1989 a publié les résultats de la datation du Linceul par le 14C, sous l'égide du British Muséum: an 1325 ± 65.
          Cette date est contredite de façon formelle par un document des Archives nationales de Hongrie, le Codex Pray qui le présente au XIIè s. comme un document officiel d'apologétique chrétienne. On peut sans grands risques le considérer comme antérieur au XIè s. L'écart-type de la datation n'autorise pas un tel décalage. A 9 écarts-types de la moyenne (1325), avec la probabilité d'occurrence est de l'ordre de 1,3.10-15, c'est-à-dire quasi nulle.
          Concernant cette datation de 1988, Monsieur Raymond Souverain, inspecteur général honoraire du Service de la Répression des Fraudes, président d'honneur de la Société des Experts Chimistes, a fait, dans la Revue Internationale du Linceul de Turin éditée par le CIELT, la liste des manquements aux règles internationales de l'Expertise. Elle est suffisamment longue pour ôter toute autorité aux résultats publiés.
          Néanmoins, un problème demeure: comment expliquer un tel d'écart: malveillance, erreur d'échantillonnage, contamination exceptionnelle, phénomène paranormal ? toutes ces hypothèses sont testées par les scientifiques, les philosophes, et même des théologiens, qui apportent des interprétations conditionnelles discutées sur ce site.
          La plus en vogue, après l'irradiation qui sera décrite plus loin, incrimine l'effet thermique de l'incendie de Chambéry (1532). Cependant, la carboxylation "conventionnelle" avancée par D.A. Kouznetsov, paraît insuffisante pour rajeunir d'autant un tissu, et le physicien américain J.P. Jackson recherche expérimentalement un effet multiplicatif, inconnu à ce jour.
          D'autres incriminent les contaminants: le dernier en date est l'américain Garcia-Valdès qui prétend avoir découvert des produits d'altération bactérienne, engainant les fils de cellulose du Linceul. De plus, on ne sait d'où vient l'échantillon analysé, sa conservation, etc..
          Les experts en textiles anciens, ainsi que les Conservateurs des Grandes Collections de Tissus Historiques dans les Musées, ont attiré notre attention sur les difficultés "chroniques" de datation des tissus, et principalement du lin, matière vestimentaire noble depuis la très haute antiquité, peu dégradable en milieu sec et sombre. Lorsque les décors, ou les écritures, permettent de les dater, les conflits avec la datation radiocarbone ne sont pas rares . Ce n'est pas l'avis des "radiocarbonistes"' qui, au contraire, pensent et proclament, que les problèmes de traitement (nettoyage), de constitution d'éprouvettes, et d'étalonnage des appareillages, sont résolus, et que la qualité des réponses obtenues, pour les âges anciens, est "nominale", c'est-à-dire conforme à la dispersion intrinsèque de l'appareillage. Il semble qu'ils tirent gloire de succès éclatants, comme la datation de quelques rouleaux de Qumran, pour prétendre à une objectivité et une universalité qu'ils n'ont pas démontrées (absence d'intercomparaison aveugle convaincante sur les tissus, la seule connue à ce jour restant l'intercomparaison publiée en 1986: [An intercomparaison of some AMS and small gas counter laboratories (R. Burleigh, M. Leese, M. Tite), in Radiocarbon, Vol. 28, N° 2A, 1986, p. 571-577[).

               5)   Physique des particules, irradiation :

          La thèse ad hoc la plus "séduisante" pour expliquer les résultats de la datation de 89, proposée par les professeurs J.B. Rinaudo (Montpellier) et E. Lindner (Karlsruhe), est l'irradiation par neutrons qui active les carbones de la cellulose, soit directement, soit indirectement par échange isotopique à partir des 14C néo formés (par transmutation de l'azote 14, toujours présent en grande quantité).
          Signalons que le P. Rinaudo a démontré avec succès que (lors d'une désintégration fictive du Deutérium, responsable des neutrons indispensables) le flux associé de protons pouvait provoquer une roussissure de même nature que celle observée sur le Linceul.
          Une équipe du CIELT, conduite par Monsieur Philippe Albert, directeur de recherches émérite du CNRS et du CEA, poursuit des recherches sur la radioactivité naturelle, la datation et l'irradiation de la cellulose.

               6)   Palynologie et Botanique :

          Divers chercheurs (principalement Frei en 1973) ont réussi à extraire, en les "scotchant", diverses poussières et débris présents entre les fils du Linceul. Parmi eux un certain nombre de pollens de plantes européennes, mais aussi du moyen Orient, et certains même d'une plante très répandue sur les collines calcaires des environs de Jérusalem, la Gundelia Tournefortii, celle-là même qui produit les branches épineuses qui servirent à tresser la couronne d'épines du Christ, et qui est conservée à la sainte Chapelle, à Paris. Sur 165 pollens examinés par U. Baruch (palynologue israélien), 45 appartenaient à cette espèce. La raison d'une telle abondance est mystérieuse.

               7)   Physico-Chimie analytique :

          La nature de l'image (roussissure superficielle des fibres, due à une oxydation "acide" de la cellulose sur 5 à 10 µm) a été caractérisée par la réaction à l'imide sur un point particulier (Heller), et par l'étude spectrophotométrique des zones brûlées, qui exhibent la même réflectance, sur toute l'étendue du spectre, que l'image dans son ensemble. Il est surprenant que l'eau et la température (lors de l'incendie de Chambéry) n'aient pas "délavé" l'image et ses empreintes, lesquelles sont restées remarquablement nettes, alors que l'on voit partout des auréoles laissées par l'eau jetée pour éteindre l'incendie.
          Les tâches de sang ont fourni un test positif à l'albumine, et révélé la présence de porphyrines Heller). B. Bollone a obtenu la même réaction qu'un sang humain de groupe AB (ce test est-il spécifique ? Il conviendrait de publier la procédure exacte).
          Sang, lymphe, image, cellulose brûlée et non brûlée, ont été soumis à une analyse photométrique extensive: fluorescence X, radiographie X mous, fluorescence UV, spectroscopie, photographie, thermographie IR, réflexion IR, Aucune anomalie n'a été décelée, au contraire on a pu montrer, par exemple, que seule la région du visage était exposée dans les temps anciens (légende du Mandylion)..

               8)   Biologie moléculaire, Génétique :

          Le CIELT est le seul à avoir publié des résultats scientifiques sur l'identification génétique à partir d'un sang humain ancien desséché imprégnant une étoffe historique datant de 1830, par la méthode PCR appliquée à l'ADN récupéré, et l'identification de gènes spécifiques (IIIè Symposium international de Nice, 1993).
          Des chercheurs américains prétendent avoir fait de même sur le Linceul de Turin. Cela paraît improbable car ils n'étaient pas habilités à disposer de tels échantillons. Ils devront publier non seulement les résultats obtenus mais certifier l'authenticité des échantillons.

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